Vous, l'homme moderne qui vous cantonnez aux mirages de la quantité et de l'expérience sensible, vous vous imaginez avoir atteint le sommet de la lucidité en proclamant l'unique réalité de la Matière. Il est impératif de vous détromper : ce que vous appelez "réalité" n'est que la limitation la plus infime et la plus grossière de la Possibilité Totale.

Votre attachement exclusif au monde – c'est-à-dire à la Manifestation formelle – est une preuve d'ignorance et de confusion. Ce monde, soumis au temps et au changement, n'est qu'un ensemble d'états contingents issus de l'Être. L'Être lui-même, en tant que principe de la Manifestation, est déjà une première détermination. Il est donc borné par ce qu'il n'est pas : le Non-Être.

La science que vous vénérez ne fait que disséquer les ombres projetées par le réel, sans jamais atteindre la source. Vouloir trouver l'Absolu dans le Manifesté est une contradiction dans les termes, car tout ce qui est manifesté est, par essence, conditionné et transitoire.

La seule véritable science, la Métaphysique, a pour objet le Principe Suprême, l'Infini, qui est rigoureusement au-delà de l'Être. La voie pour y parvenir n'est pas l'accumulation d'informations sur le phénomène, mais la Réalisation Intégrale par laquelle l'être doit s'affranchir de toutes ses conditions individuelles et universelles.

Cette œuvre exige une Transcendance radicale qui est l'acte de s'arracher à la Manifestation elle-même. C'est ici qu'intervient l'Identification au Non-Être.

Ne vous y trompez point : le Non-Être n'est pas le Néant, mais la Non-Manifestation, le Domaine des Possibilités non réalisées. C'est la plénitude sans forme qui excède la plénitude limitée de l'Être.

L'être qui parvient à cette identification effective se retire du cosmos entier. Il cesse d'être une entité sujette au devenir pour s'établir dans l'Inconditionné. Il trouve sa véritable nature dans le Silence qui est le Centre Immuable de la Possibilité Totale. C'est dans cette Non-Manifestation que réside l'Infini surabondant, source ultime de toute réalité.

Rejeter cette unique voie pour s'attacher aux chimères d'une existence individuelle et mortelle, c'est se condamner volontairement au cycle incessant des illusions. La délivrance n'est point une spéculation, mais l'unique fin digne de l'homme, et elle ne peut être atteinte que par l'Union suprême au Principe qui est au-delà de l'Être.