Ce sujet a été résolu
ça rend trop bien en pp

il y a 2 jours
En écoutant les intellectuels et les artistes contemporains, on est souvent frappé par la convergence de leurs discours autour d’un certain nombre de thèmes majeurs : l’opposition entre liberté individuelle et structures sociales écrasantes, la valorisation de l’aura, de la beauté, de l’émotion humaine, le rejet de la technicité froide au nom de l’irréductible intériorité de l’homme. Ces voix, bien qu’hétérogènes dans leurs disciplines et leurs styles, forment un véritable courant de pensée critique vis-à-vis des fondements idéologiques de la modernité occidentale : le primat de l’économie, l’idéal de performance, la glorification du progrès technique, et l’atomisation des individus sous couvert de liberté.
On retrouve cette tonalité chez de nombreux penseurs et créateurs : en philosophie, Jean-Luc Marion redonne à la phénoménologie une portée spirituelle en réhabilitant la notion de don et en se méfiant de la réduction objectivante du monde ; Paul Ricoeur plaide pour une herméneutique du sujet, capable de conjuguer responsabilité et imagination ; Jean Baudrillard, dans un autre registre, révèle la vacuité d’un monde dominé par les simulacres, où la réalité s’efface derrière l’hyperréalité des signes. En poésie, des auteurs comme François Cheng, dans une veine profondément spirituelle, réconcilient beauté, sagesse et transcendance, tandis que Michel Houellebecq, bien qu’ironique et souvent désespéré, dénonce le vide affectif et existentiel produit par l’ultra-libéralisme individualiste.
La sociologie critique participe aussi de ce mouvement. Eva Illouz a analysé l’emprise de la rationalité économique jusque dans la sphère intime ; David Le Breton et Jean-Didier Urbain, de manière différente, ont montré comment le corps, les loisirs, les relations sont traversés par des logiques de marchandisation ou de contrôle social ; Michel Maffesoli, quant à lui, appelle à un retour au sensible, au tribalisme postmoderne, au lien émotionnel et communautaire comme réponse à la désagrégation des grands récits modernes.
Ce qu’on pourrait appeler le “courant contre-moderne” (non pas réactionnaire, mais critique des fondements idéologiques de la modernité capitaliste et technicienne) semble donc vivace, prolifique, fécond. Il occupe même une place importante dans les milieux intellectuels, universitaires ou littéraires. Pourtant, ce courant semble impuissant à modifier en profondeur le débat public ou les choix politiques. Malgré une production dense et cohérente d’analyses, d’alertes, de propositions alternatives, c’est toujours la logique de la performance économique, de la consommation, de la rentabilité et de la jouissance immédiate qui domine l’espace public, la politique, les médias, voire l’éducation.
Cette dissonance mérite qu’on s’y arrête. Comment expliquer que des discours porteurs de valeurs profondément humaines, souvent largement partagés dans les milieux cultivés, restent sans effet sur l’organisation concrète du monde ? Comment se fait-il que la pensée qui défend l’âme, le lien, la beauté, l’invisible, la lenteur, la gratuité, soit marginalisée ou moquée, quand celle qui vante l’optimisation, la quantification, le “management” et la compétition est partout hégémonique ?
Plusieurs hypothèses peuvent être avancées.
D’abord, il y a la question de la médiatisation. Le système médiatique dominant privilégie les discours simples, rapides, émotionnels, clivants — tout ce que ne sont pas les analyses fines, complexes, nuancées de ces penseurs. La temporalité du spectacle est incompatible avec la profondeur de la pensée. Les intellectuels qui refusent la simplification se retrouvent relégués à des espaces marginaux, tandis que les experts compatibles avec les logiques de marché — économistes, ingénieurs sociaux, communicants — envahissent les plateaux télé.
Ensuite, il y a la question de la technocratie. Le monde contemporain est dominé par des logiques gestionnaires, juridiques et techniques. L’intellectuel, s’il ne fournit pas de solutions immédiatement applicables, est perçu comme inutile. Or, la pensée critique ne vise pas l’efficacité à court terme ; elle questionne, elle décale, elle ouvre des brèches. Mais le pouvoir, qu’il soit politique ou économique, n’a que faire de ces brèches. Il cherche de la prévisibilité, du contrôle, des indicateurs. En cela, il exclut spontanément tout ce qui échappe à la quantification.
Il y a aussi une forme d’intériorisation des normes de la société de consommation par les citoyens eux-mêmes. Même ceux qui se sentent mal à l’aise dans ce monde dominé par l’économie sont souvent pris dans ses rets. Les discours critiques sont entendus, parfois même aimés, mais rarement suivis d’effets concrets. L’art, la littérature, la philosophie deviennent des refuges esthétiques ou existentiels, mais peinent à irriguer les pratiques quotidiennes ou les choix collectifs.
Enfin, on pourrait évoquer le cynisme ambiant, qui tient lieu d’idéologie dominante. Beaucoup savent que le monde tel qu’il va est absurde, injuste ou destructeur — mais cela n’empêche pas de continuer à y participer, faute d’alternative crédible ou de volonté de rupture. Le cynisme protège du désespoir, mais il empêche aussi l’engagement. L’individu postmoderne, informé, lucide, mais désarmé, devient spectateur de sa propre aliénation.
Ainsi, malgré la richesse d’un courant intellectuel porté vers la réhabilitation du spirituel, du symbolique, du relationnel, c’est un autre langage — celui de l’économie, du divertissement, de la technoscience — qui structure la réalité effective. La pensée critique ne meurt pas, mais elle est neutralisée. On la lit, on l’admire, parfois même on l’enseigne — mais on ne l’applique pas. Elle reste confinée aux marges du monde, comme une sagesse muette dont on ne saurait que faire dans un monde devenu sourd.
Et pourtant, il se pourrait que ce courant minoritaire, invisible aux radars des décideurs, soit porteur d’une vérité profonde, peut-être appelée à resurgir lorsque les impasses de la modernité technico-économique deviendront trop criantes. Dans les plis de la culture contemporaine, à l’ombre du vacarme, il s’écrit une autre vision du monde : plus lente, plus humaine, plus fragile aussi — mais peut-être, au fond, plus réelle.
On retrouve cette tonalité chez de nombreux penseurs et créateurs : en philosophie, Jean-Luc Marion redonne à la phénoménologie une portée spirituelle en réhabilitant la notion de don et en se méfiant de la réduction objectivante du monde ; Paul Ricoeur plaide pour une herméneutique du sujet, capable de conjuguer responsabilité et imagination ; Jean Baudrillard, dans un autre registre, révèle la vacuité d’un monde dominé par les simulacres, où la réalité s’efface derrière l’hyperréalité des signes. En poésie, des auteurs comme François Cheng, dans une veine profondément spirituelle, réconcilient beauté, sagesse et transcendance, tandis que Michel Houellebecq, bien qu’ironique et souvent désespéré, dénonce le vide affectif et existentiel produit par l’ultra-libéralisme individualiste.
La sociologie critique participe aussi de ce mouvement. Eva Illouz a analysé l’emprise de la rationalité économique jusque dans la sphère intime ; David Le Breton et Jean-Didier Urbain, de manière différente, ont montré comment le corps, les loisirs, les relations sont traversés par des logiques de marchandisation ou de contrôle social ; Michel Maffesoli, quant à lui, appelle à un retour au sensible, au tribalisme postmoderne, au lien émotionnel et communautaire comme réponse à la désagrégation des grands récits modernes.
Ce qu’on pourrait appeler le “courant contre-moderne” (non pas réactionnaire, mais critique des fondements idéologiques de la modernité capitaliste et technicienne) semble donc vivace, prolifique, fécond. Il occupe même une place importante dans les milieux intellectuels, universitaires ou littéraires. Pourtant, ce courant semble impuissant à modifier en profondeur le débat public ou les choix politiques. Malgré une production dense et cohérente d’analyses, d’alertes, de propositions alternatives, c’est toujours la logique de la performance économique, de la consommation, de la rentabilité et de la jouissance immédiate qui domine l’espace public, la politique, les médias, voire l’éducation.
Cette dissonance mérite qu’on s’y arrête. Comment expliquer que des discours porteurs de valeurs profondément humaines, souvent largement partagés dans les milieux cultivés, restent sans effet sur l’organisation concrète du monde ? Comment se fait-il que la pensée qui défend l’âme, le lien, la beauté, l’invisible, la lenteur, la gratuité, soit marginalisée ou moquée, quand celle qui vante l’optimisation, la quantification, le “management” et la compétition est partout hégémonique ?
Plusieurs hypothèses peuvent être avancées.
D’abord, il y a la question de la médiatisation. Le système médiatique dominant privilégie les discours simples, rapides, émotionnels, clivants — tout ce que ne sont pas les analyses fines, complexes, nuancées de ces penseurs. La temporalité du spectacle est incompatible avec la profondeur de la pensée. Les intellectuels qui refusent la simplification se retrouvent relégués à des espaces marginaux, tandis que les experts compatibles avec les logiques de marché — économistes, ingénieurs sociaux, communicants — envahissent les plateaux télé.
Ensuite, il y a la question de la technocratie. Le monde contemporain est dominé par des logiques gestionnaires, juridiques et techniques. L’intellectuel, s’il ne fournit pas de solutions immédiatement applicables, est perçu comme inutile. Or, la pensée critique ne vise pas l’efficacité à court terme ; elle questionne, elle décale, elle ouvre des brèches. Mais le pouvoir, qu’il soit politique ou économique, n’a que faire de ces brèches. Il cherche de la prévisibilité, du contrôle, des indicateurs. En cela, il exclut spontanément tout ce qui échappe à la quantification.
Il y a aussi une forme d’intériorisation des normes de la société de consommation par les citoyens eux-mêmes. Même ceux qui se sentent mal à l’aise dans ce monde dominé par l’économie sont souvent pris dans ses rets. Les discours critiques sont entendus, parfois même aimés, mais rarement suivis d’effets concrets. L’art, la littérature, la philosophie deviennent des refuges esthétiques ou existentiels, mais peinent à irriguer les pratiques quotidiennes ou les choix collectifs.
Enfin, on pourrait évoquer le cynisme ambiant, qui tient lieu d’idéologie dominante. Beaucoup savent que le monde tel qu’il va est absurde, injuste ou destructeur — mais cela n’empêche pas de continuer à y participer, faute d’alternative crédible ou de volonté de rupture. Le cynisme protège du désespoir, mais il empêche aussi l’engagement. L’individu postmoderne, informé, lucide, mais désarmé, devient spectateur de sa propre aliénation.
Ainsi, malgré la richesse d’un courant intellectuel porté vers la réhabilitation du spirituel, du symbolique, du relationnel, c’est un autre langage — celui de l’économie, du divertissement, de la technoscience — qui structure la réalité effective. La pensée critique ne meurt pas, mais elle est neutralisée. On la lit, on l’admire, parfois même on l’enseigne — mais on ne l’applique pas. Elle reste confinée aux marges du monde, comme une sagesse muette dont on ne saurait que faire dans un monde devenu sourd.
Et pourtant, il se pourrait que ce courant minoritaire, invisible aux radars des décideurs, soit porteur d’une vérité profonde, peut-être appelée à resurgir lorsque les impasses de la modernité technico-économique deviendront trop criantes. Dans les plis de la culture contemporaine, à l’ombre du vacarme, il s’écrit une autre vision du monde : plus lente, plus humaine, plus fragile aussi — mais peut-être, au fond, plus réelle.
Plus aéré stp
il y a 2 jours
La pasteque c'est pour la Palestine ?
il y a 2 jours
En écoutant les intellectuels et les artistes contemporains, on est souvent frappé par la convergence de leurs discours autour d’un certain nombre de thèmes majeurs : l’opposition entre liberté individuelle et structures sociales écrasantes, la valorisation de l’aura, de la beauté, de l’émotion humaine, le rejet de la technicité froide au nom de l’irréductible intériorité de l’homme. Ces voix, bien qu’hétérogènes dans leurs disciplines et leurs styles, forment un véritable courant de pensée critique vis-à-vis des fondements idéologiques de la modernité occidentale : le primat de l’économie, l’idéal de performance, la glorification du progrès technique, et l’atomisation des individus sous couvert de liberté.
On retrouve cette tonalité chez de nombreux penseurs et créateurs : en philosophie, Jean-Luc Marion redonne à la phénoménologie une portée spirituelle en réhabilitant la notion de don et en se méfiant de la réduction objectivante du monde ; Paul Ricoeur plaide pour une herméneutique du sujet, capable de conjuguer responsabilité et imagination ; Jean Baudrillard, dans un autre registre, révèle la vacuité d’un monde dominé par les simulacres, où la réalité s’efface derrière l’hyperréalité des signes. En poésie, des auteurs comme François Cheng, dans une veine profondément spirituelle, réconcilient beauté, sagesse et transcendance, tandis que Michel Houellebecq, bien qu’ironique et souvent désespéré, dénonce le vide affectif et existentiel produit par l’ultra-libéralisme individualiste.
La sociologie critique participe aussi de ce mouvement. Eva Illouz a analysé l’emprise de la rationalité économique jusque dans la sphère intime ; David Le Breton et Jean-Didier Urbain, de manière différente, ont montré comment le corps, les loisirs, les relations sont traversés par des logiques de marchandisation ou de contrôle social ; Michel Maffesoli, quant à lui, appelle à un retour au sensible, au tribalisme postmoderne, au lien émotionnel et communautaire comme réponse à la désagrégation des grands récits modernes.
Ce qu’on pourrait appeler le “courant contre-moderne” (non pas réactionnaire, mais critique des fondements idéologiques de la modernité capitaliste et technicienne) semble donc vivace, prolifique, fécond. Il occupe même une place importante dans les milieux intellectuels, universitaires ou littéraires. Pourtant, ce courant semble impuissant à modifier en profondeur le débat public ou les choix politiques. Malgré une production dense et cohérente d’analyses, d’alertes, de propositions alternatives, c’est toujours la logique de la performance économique, de la consommation, de la rentabilité et de la jouissance immédiate qui domine l’espace public, la politique, les médias, voire l’éducation.
Cette dissonance mérite qu’on s’y arrête. Comment expliquer que des discours porteurs de valeurs profondément humaines, souvent largement partagés dans les milieux cultivés, restent sans effet sur l’organisation concrète du monde ? Comment se fait-il que la pensée qui défend l’âme, le lien, la beauté, l’invisible, la lenteur, la gratuité, soit marginalisée ou moquée, quand celle qui vante l’optimisation, la quantification, le “management” et la compétition est partout hégémonique ?
Plusieurs hypothèses peuvent être avancées.
D’abord, il y a la question de la médiatisation. Le système médiatique dominant privilégie les discours simples, rapides, émotionnels, clivants — tout ce que ne sont pas les analyses fines, complexes, nuancées de ces penseurs. La temporalité du spectacle est incompatible avec la profondeur de la pensée. Les intellectuels qui refusent la simplification se retrouvent relégués à des espaces marginaux, tandis que les experts compatibles avec les logiques de marché — économistes, ingénieurs sociaux, communicants — envahissent les plateaux télé.
Ensuite, il y a la question de la technocratie. Le monde contemporain est dominé par des logiques gestionnaires, juridiques et techniques. L’intellectuel, s’il ne fournit pas de solutions immédiatement applicables, est perçu comme inutile. Or, la pensée critique ne vise pas l’efficacité à court terme ; elle questionne, elle décale, elle ouvre des brèches. Mais le pouvoir, qu’il soit politique ou économique, n’a que faire de ces brèches. Il cherche de la prévisibilité, du contrôle, des indicateurs. En cela, il exclut spontanément tout ce qui échappe à la quantification.
Il y a aussi une forme d’intériorisation des normes de la société de consommation par les citoyens eux-mêmes. Même ceux qui se sentent mal à l’aise dans ce monde dominé par l’économie sont souvent pris dans ses rets. Les discours critiques sont entendus, parfois même aimés, mais rarement suivis d’effets concrets. L’art, la littérature, la philosophie deviennent des refuges esthétiques ou existentiels, mais peinent à irriguer les pratiques quotidiennes ou les choix collectifs.
Enfin, on pourrait évoquer le cynisme ambiant, qui tient lieu d’idéologie dominante. Beaucoup savent que le monde tel qu’il va est absurde, injuste ou destructeur — mais cela n’empêche pas de continuer à y participer, faute d’alternative crédible ou de volonté de rupture. Le cynisme protège du désespoir, mais il empêche aussi l’engagement. L’individu postmoderne, informé, lucide, mais désarmé, devient spectateur de sa propre aliénation.
Ainsi, malgré la richesse d’un courant intellectuel porté vers la réhabilitation du spirituel, du symbolique, du relationnel, c’est un autre langage — celui de l’économie, du divertissement, de la technoscience — qui structure la réalité effective. La pensée critique ne meurt pas, mais elle est neutralisée. On la lit, on l’admire, parfois même on l’enseigne — mais on ne l’applique pas. Elle reste confinée aux marges du monde, comme une sagesse muette dont on ne saurait que faire dans un monde devenu sourd.
Et pourtant, il se pourrait que ce courant minoritaire, invisible aux radars des décideurs, soit porteur d’une vérité profonde, peut-être appelée à resurgir lorsque les impasses de la modernité technico-économique deviendront trop criantes. Dans les plis de la culture contemporaine, à l’ombre du vacarme, il s’écrit une autre vision du monde : plus lente, plus humaine, plus fragile aussi — mais peut-être, au fond, plus réelle.
On retrouve cette tonalité chez de nombreux penseurs et créateurs : en philosophie, Jean-Luc Marion redonne à la phénoménologie une portée spirituelle en réhabilitant la notion de don et en se méfiant de la réduction objectivante du monde ; Paul Ricoeur plaide pour une herméneutique du sujet, capable de conjuguer responsabilité et imagination ; Jean Baudrillard, dans un autre registre, révèle la vacuité d’un monde dominé par les simulacres, où la réalité s’efface derrière l’hyperréalité des signes. En poésie, des auteurs comme François Cheng, dans une veine profondément spirituelle, réconcilient beauté, sagesse et transcendance, tandis que Michel Houellebecq, bien qu’ironique et souvent désespéré, dénonce le vide affectif et existentiel produit par l’ultra-libéralisme individualiste.
La sociologie critique participe aussi de ce mouvement. Eva Illouz a analysé l’emprise de la rationalité économique jusque dans la sphère intime ; David Le Breton et Jean-Didier Urbain, de manière différente, ont montré comment le corps, les loisirs, les relations sont traversés par des logiques de marchandisation ou de contrôle social ; Michel Maffesoli, quant à lui, appelle à un retour au sensible, au tribalisme postmoderne, au lien émotionnel et communautaire comme réponse à la désagrégation des grands récits modernes.
Ce qu’on pourrait appeler le “courant contre-moderne” (non pas réactionnaire, mais critique des fondements idéologiques de la modernité capitaliste et technicienne) semble donc vivace, prolifique, fécond. Il occupe même une place importante dans les milieux intellectuels, universitaires ou littéraires. Pourtant, ce courant semble impuissant à modifier en profondeur le débat public ou les choix politiques. Malgré une production dense et cohérente d’analyses, d’alertes, de propositions alternatives, c’est toujours la logique de la performance économique, de la consommation, de la rentabilité et de la jouissance immédiate qui domine l’espace public, la politique, les médias, voire l’éducation.
Cette dissonance mérite qu’on s’y arrête. Comment expliquer que des discours porteurs de valeurs profondément humaines, souvent largement partagés dans les milieux cultivés, restent sans effet sur l’organisation concrète du monde ? Comment se fait-il que la pensée qui défend l’âme, le lien, la beauté, l’invisible, la lenteur, la gratuité, soit marginalisée ou moquée, quand celle qui vante l’optimisation, la quantification, le “management” et la compétition est partout hégémonique ?
Plusieurs hypothèses peuvent être avancées.
D’abord, il y a la question de la médiatisation. Le système médiatique dominant privilégie les discours simples, rapides, émotionnels, clivants — tout ce que ne sont pas les analyses fines, complexes, nuancées de ces penseurs. La temporalité du spectacle est incompatible avec la profondeur de la pensée. Les intellectuels qui refusent la simplification se retrouvent relégués à des espaces marginaux, tandis que les experts compatibles avec les logiques de marché — économistes, ingénieurs sociaux, communicants — envahissent les plateaux télé.
Ensuite, il y a la question de la technocratie. Le monde contemporain est dominé par des logiques gestionnaires, juridiques et techniques. L’intellectuel, s’il ne fournit pas de solutions immédiatement applicables, est perçu comme inutile. Or, la pensée critique ne vise pas l’efficacité à court terme ; elle questionne, elle décale, elle ouvre des brèches. Mais le pouvoir, qu’il soit politique ou économique, n’a que faire de ces brèches. Il cherche de la prévisibilité, du contrôle, des indicateurs. En cela, il exclut spontanément tout ce qui échappe à la quantification.
Il y a aussi une forme d’intériorisation des normes de la société de consommation par les citoyens eux-mêmes. Même ceux qui se sentent mal à l’aise dans ce monde dominé par l’économie sont souvent pris dans ses rets. Les discours critiques sont entendus, parfois même aimés, mais rarement suivis d’effets concrets. L’art, la littérature, la philosophie deviennent des refuges esthétiques ou existentiels, mais peinent à irriguer les pratiques quotidiennes ou les choix collectifs.
Enfin, on pourrait évoquer le cynisme ambiant, qui tient lieu d’idéologie dominante. Beaucoup savent que le monde tel qu’il va est absurde, injuste ou destructeur — mais cela n’empêche pas de continuer à y participer, faute d’alternative crédible ou de volonté de rupture. Le cynisme protège du désespoir, mais il empêche aussi l’engagement. L’individu postmoderne, informé, lucide, mais désarmé, devient spectateur de sa propre aliénation.
Ainsi, malgré la richesse d’un courant intellectuel porté vers la réhabilitation du spirituel, du symbolique, du relationnel, c’est un autre langage — celui de l’économie, du divertissement, de la technoscience — qui structure la réalité effective. La pensée critique ne meurt pas, mais elle est neutralisée. On la lit, on l’admire, parfois même on l’enseigne — mais on ne l’applique pas. Elle reste confinée aux marges du monde, comme une sagesse muette dont on ne saurait que faire dans un monde devenu sourd.
Et pourtant, il se pourrait que ce courant minoritaire, invisible aux radars des décideurs, soit porteur d’une vérité profonde, peut-être appelée à resurgir lorsque les impasses de la modernité technico-économique deviendront trop criantes. Dans les plis de la culture contemporaine, à l’ombre du vacarme, il s’écrit une autre vision du monde : plus lente, plus humaine, plus fragile aussi — mais peut-être, au fond, plus réelle.
Merci
Surhomme
il y a 2 jours
Apex
2j
Tout ça pour que dans 10 mins elle
et que lundi ca soit une autre
D'ici lundi elle a aura changé deux fois
il y a 2 jours
Syrcel
2j
je suis complètement chtarbé en fait
T'es vraiment la dernière ici à t'en rendre compte jpense
il y a 2 jours