Ce sujet a été résolu
Promis après je ralentis le rythme.
CONTEXTE
Je me suis attaqué à ce jeune Edouard Louis très en vogue. En finir avec Eddy Bellegueule, 2014, il avait 23 ans. Et franchement, ça se ressent. C'est un bouquin tellement immature. Mais d'un autre côté, il y a un projet littéraire indéniable et des qualités surprenantes.
Avec ce roman, on entre dans l'autofiction, comme la plupart de tout ce qui se produit depuis 20 ans. C'est un genre que je déteste particulièrement. Pourtant, ce roman, je l'ai lu, et même assez vite.
Edouard Louis raconte des moments de son enfance et son adolescence dans une campagne picarde des années 90. C'est un milieu rural extrêmement précaire, où chacun est voué à répéter les mécanismes générationnels. Mais lui, il ne l'a pas fait. En fait, il n'a jamais pu, car il est né homosexuel.
Nous avons un récit très classique sur ce que ça fait d'être homosexuel dans ce milieu. Moqueries, harcèlement, violence, rejet des parents, efforts inutiles de sa part pour s'intégrer. Ce n'est pas la partie qui m'intéresse. Si ça n'avait été que ça, j'aurais mis le livre au feu.
Non, partant de là, Edouard Louis va plus loin. Il prend conscience des mécanismes de reproductions sociales. C'est son homosexualité qui lui permet de prendre conscience de cette réalité, par rapport aux autres. Il remarque que tous les hommes jouent les durs, qu'ils lâchent l'école parce que l'école c'est pour les fiottes, et qu'ils finissent tous à bosser dans l'usine du coin où ils se bousillent De même pour les femmes qui tombent enceintes au collège, et doivent lâcher leur scolarité pour s'occuper de l'enfant.
REPRODUCTION SOCIALE
Tout le monde vit dans le regret, quelque chose s'est passé et qu'ils ne comprennent pas, ils disent tous qu'ils ont commis des erreurs.
La mère d'Edouard regrette d'être tombé enceinte si jeune, d'enchaîner les boulots de merde. Pourtant, elle incite sa fille de 15 ans à rester avec le même homme car sinon ça ferait salope. Immanquablement, la fille va tomber enceinte, arrêter les études, dira qu'elle a fait des erreurs, et inculquera à sa propre fille de rester avec le même gars pour ne pas être une salope.
Le père nourrit une haine profonde envers le sien qui le battait lui et ses frères. Il s'est promis de ne jamais battre ses proches. Il n'est violent qu'avec les autres. Pourtant, l'usine lui provoque des douleurs ignobles qui le rendent méchant, et quand il découvre son fils en train de se faire sodomiser par son cousin dans le hangar, il pète une durite et passe son fils à tabac.
Edouard Louis a pu éviter ce genre de mécanisme social. Il est allé faire des études, il a côtoyé l'université, des bourgeois culturels et est devenu écrivain. C'est un transfuge de classe. Mais c'est précisément ici que se trouve la plus grande faille de ce roman, et sa grande immaturité. C'est que l'auteur idolâtre les bourgeois, il en fait des créatures parfaites, des modèles à atteindre. On sent que c'est son rêve, de faire partie de la bourgeoisie culturelle.
Il entre en transe lorsqu'il entend la voix posée des citadins tandis que lui gueule, il admire leur culture, leurs valeurs, il veut apprendre d'eux. Mais là où Martin Eden était un roman divinement bien écrit en ceci qu'il passait de la plèbe à la bourgeoisie jusqu'à la désillusion concernant cette dernière, Edouard Louis, lui, est encore en plein fantasme. Il ne voit jamais les mauvais côtés de la bourgeoisie, il n'en aperçoit ni les limites ni les fards.
Pire : il nourrit un certains dédain, un certain mépris pour sa classe d'origine. Logique et pardonnable pour un jeune homosexuel intelligent, en aucun cas pour un écrivain qui nous donne un roman à lire. On s'attend à davantage de lucidité de la part de quelqu'un qui écrit. Nos exigences sont plus hautes. Le regard qu'Edouard Louis pose sur le monde n'est encore pas à la hauteur de la tâche qu'il lui incombe.
La plus bel exemple de ce que je dis est le choix du titre. Eddy Bellegueule, c'est le nom de naissance d'Edouard Louis. Une véritable marque sur le front, un nom pareil. Eddy Bellegueule, c'est le nom d'un ouvrier, pas celui d'un écrivain. Edouard veut donc tuer Eddy, il veut taire ses origines, devenir quelqu'un d'autre, il veut devenir Edouard, ce qui vaut bien un Jean-Paul. Cette entreprise de dédaigner sa classe d'origine, on la remarque jusque dans ce titre où il veut en finir avec ça. Ne plus rien avoir à voir avec ce milieu. Il n'a pas encore compris qu'il ne sera jamais vraiment Edouard Louis.
Mais ce qu'il nous propose, ce n'est clairement pas de la merde non plus. Il a peut-être manqué d'ambition ou de maturité, mais il ne manque pas de cran. L'analyse de son milieu est neutre, froide, presque sociologique avec toutefois cette pointe d'amertume qu'on sent dans le mépris envers ceux qui l'ont exclu. Il ne se pose pas en victime, ce n'est pas du pathos rageur et larmoyant.
Ca nous donne des chapitres très curieux qui nous dérangent, qui produisent un grand effet. Sans aucune gêne, comme s'il prenait plaisir à s'auto-humilier, il nous décrit des scènes où il se fait sodomiser, craché dessus, léchant le mollard des caïds, se masturbant en vain pendant des heures sur des magazines féminin jusqu'à chopper des cloques sur la queue, et autres dégueulasseries de ce genre. Comme un rapport scientifique sur soi-même. Ce sont des moments assez forts dans le livre, justement grâce à l'épuration des sentiments quand il en parle. Ca permet à l'effroi de mieux naître en nous.
STYLE
Par ailleurs, je dois parler du style très caractéristique d'Edouard.
A 23 ans, il est parvenu à inventer son propre langage littéraire. Et ça, c'est fort. C'est un langage qui m'agace un peu, cependant. Il y a trois voix narratives entremêlées dans le récit.
La voix principale, avec un haut niveau de langage.
La voix en italique, sous forme de discours indirect libre, dans un langage très populaire. Il s'en sert pour faire parler les personnages de son milieu d'origine de façon brutale au cœur du paragraphe.
La voix entre parenthèse, la plus rare, mêlant souvent les deux premières, et servant à expliquer ou illustrer le propos en cours. Elles font parfois jusqu'à un paragraphe complet, ce que je trouve complètement con et artificiel
Ce style permet néanmoins de renforcer l'aspect transfuge de classe et c'est plutôt bien joué. On sent, on voit cette dualité d'Edouard Louis mi-bourgeois mi-cassos, et toutes ces voix cohabitent en lui. Il y a un côté qui ressemble beaucoup au film La vie est un long fleuve tranquille.
Chez mes parents, nous ne dînions pas, nous mangions. La plupart du temps, même, nous utilisions le verbe bouffer. L'appel quotidien de mon père C'est l'heure de bouffer. Quand des années plus tard je dirai dîner devant mes parents, ils se moqueront de moi Comment il parle l'autre, pour qui il se prend ? Ca y est il va à la grande école il se la joue au monsieur, il nous sort sa philosophie. Parler philosophie, c'était parler comme la classe ennemie, ceux qui ont les moyens, les riches. Parler comme ceux-là qui ont de la chance de faire des études secondaires et supérieures, et, donc, d'étudier la philosophie.
Voilà donc un auteur contemporain que je ne lirais plus avant son prochain gros succès autour de la quarantaine. Le potentiel est là, les qualités littéraires également, mais ça manque encore de maturité dans la vie. Je ne vais clairement pas lire son cycle familial. Il vient de conclure cette série de romans à maintenant 33 ans, il va probablement partir sur d'autres projets, et j'attends de voir ce qu'il peut nous proposer à présent
@ceinturion @glock @esclavotaf @bouclador @albinus @palance
CONTEXTE
Je me suis attaqué à ce jeune Edouard Louis très en vogue. En finir avec Eddy Bellegueule, 2014, il avait 23 ans. Et franchement, ça se ressent. C'est un bouquin tellement immature. Mais d'un autre côté, il y a un projet littéraire indéniable et des qualités surprenantes.
Avec ce roman, on entre dans l'autofiction, comme la plupart de tout ce qui se produit depuis 20 ans. C'est un genre que je déteste particulièrement. Pourtant, ce roman, je l'ai lu, et même assez vite.
Edouard Louis raconte des moments de son enfance et son adolescence dans une campagne picarde des années 90. C'est un milieu rural extrêmement précaire, où chacun est voué à répéter les mécanismes générationnels. Mais lui, il ne l'a pas fait. En fait, il n'a jamais pu, car il est né homosexuel.
Nous avons un récit très classique sur ce que ça fait d'être homosexuel dans ce milieu. Moqueries, harcèlement, violence, rejet des parents, efforts inutiles de sa part pour s'intégrer. Ce n'est pas la partie qui m'intéresse. Si ça n'avait été que ça, j'aurais mis le livre au feu.
Non, partant de là, Edouard Louis va plus loin. Il prend conscience des mécanismes de reproductions sociales. C'est son homosexualité qui lui permet de prendre conscience de cette réalité, par rapport aux autres. Il remarque que tous les hommes jouent les durs, qu'ils lâchent l'école parce que l'école c'est pour les fiottes, et qu'ils finissent tous à bosser dans l'usine du coin où ils se bousillent De même pour les femmes qui tombent enceintes au collège, et doivent lâcher leur scolarité pour s'occuper de l'enfant.
REPRODUCTION SOCIALE
Tout le monde vit dans le regret, quelque chose s'est passé et qu'ils ne comprennent pas, ils disent tous qu'ils ont commis des erreurs.
Edouard Louis a pu éviter ce genre de mécanisme social. Il est allé faire des études, il a côtoyé l'université, des bourgeois culturels et est devenu écrivain. C'est un transfuge de classe. Mais c'est précisément ici que se trouve la plus grande faille de ce roman, et sa grande immaturité. C'est que l'auteur idolâtre les bourgeois, il en fait des créatures parfaites, des modèles à atteindre. On sent que c'est son rêve, de faire partie de la bourgeoisie culturelle.
Il entre en transe lorsqu'il entend la voix posée des citadins tandis que lui gueule, il admire leur culture, leurs valeurs, il veut apprendre d'eux. Mais là où Martin Eden était un roman divinement bien écrit en ceci qu'il passait de la plèbe à la bourgeoisie jusqu'à la désillusion concernant cette dernière, Edouard Louis, lui, est encore en plein fantasme. Il ne voit jamais les mauvais côtés de la bourgeoisie, il n'en aperçoit ni les limites ni les fards.
Pire : il nourrit un certains dédain, un certain mépris pour sa classe d'origine. Logique et pardonnable pour un jeune homosexuel intelligent, en aucun cas pour un écrivain qui nous donne un roman à lire. On s'attend à davantage de lucidité de la part de quelqu'un qui écrit. Nos exigences sont plus hautes. Le regard qu'Edouard Louis pose sur le monde n'est encore pas à la hauteur de la tâche qu'il lui incombe.
La plus bel exemple de ce que je dis est le choix du titre. Eddy Bellegueule, c'est le nom de naissance d'Edouard Louis. Une véritable marque sur le front, un nom pareil. Eddy Bellegueule, c'est le nom d'un ouvrier, pas celui d'un écrivain. Edouard veut donc tuer Eddy, il veut taire ses origines, devenir quelqu'un d'autre, il veut devenir Edouard, ce qui vaut bien un Jean-Paul. Cette entreprise de dédaigner sa classe d'origine, on la remarque jusque dans ce titre où il veut en finir avec ça. Ne plus rien avoir à voir avec ce milieu. Il n'a pas encore compris qu'il ne sera jamais vraiment Edouard Louis.
Mais ce qu'il nous propose, ce n'est clairement pas de la merde non plus. Il a peut-être manqué d'ambition ou de maturité, mais il ne manque pas de cran. L'analyse de son milieu est neutre, froide, presque sociologique avec toutefois cette pointe d'amertume qu'on sent dans le mépris envers ceux qui l'ont exclu. Il ne se pose pas en victime, ce n'est pas du pathos rageur et larmoyant.
Ca nous donne des chapitres très curieux qui nous dérangent, qui produisent un grand effet. Sans aucune gêne, comme s'il prenait plaisir à s'auto-humilier, il nous décrit des scènes où il se fait sodomiser, craché dessus, léchant le mollard des caïds, se masturbant en vain pendant des heures sur des magazines féminin jusqu'à chopper des cloques sur la queue, et autres dégueulasseries de ce genre. Comme un rapport scientifique sur soi-même. Ce sont des moments assez forts dans le livre, justement grâce à l'épuration des sentiments quand il en parle. Ca permet à l'effroi de mieux naître en nous.
STYLE
Par ailleurs, je dois parler du style très caractéristique d'Edouard.
A 23 ans, il est parvenu à inventer son propre langage littéraire. Et ça, c'est fort. C'est un langage qui m'agace un peu, cependant. Il y a trois voix narratives entremêlées dans le récit.
Ce style permet néanmoins de renforcer l'aspect transfuge de classe et c'est plutôt bien joué. On sent, on voit cette dualité d'Edouard Louis mi-bourgeois mi-cassos, et toutes ces voix cohabitent en lui. Il y a un côté qui ressemble beaucoup au film La vie est un long fleuve tranquille.
Chez mes parents, nous ne dînions pas, nous mangions. La plupart du temps, même, nous utilisions le verbe bouffer. L'appel quotidien de mon père C'est l'heure de bouffer. Quand des années plus tard je dirai dîner devant mes parents, ils se moqueront de moi Comment il parle l'autre, pour qui il se prend ? Ca y est il va à la grande école il se la joue au monsieur, il nous sort sa philosophie. Parler philosophie, c'était parler comme la classe ennemie, ceux qui ont les moyens, les riches. Parler comme ceux-là qui ont de la chance de faire des études secondaires et supérieures, et, donc, d'étudier la philosophie.
Voilà donc un auteur contemporain que je ne lirais plus avant son prochain gros succès autour de la quarantaine. Le potentiel est là, les qualités littéraires également, mais ça manque encore de maturité dans la vie. Je ne vais clairement pas lire son cycle familial. Il vient de conclure cette série de romans à maintenant 33 ans, il va probablement partir sur d'autres projets, et j'attends de voir ce qu'il peut nous proposer à présent
@ceinturion @glock @esclavotaf @bouclador @albinus @palance
il y a 2 jours
Désolé mais je passe. Mon pote communiste m'a déjà cassé les burnes avec l'homosexuel gauchiste bougnoulophile qu'est Edouard Louis
Up nonobstant
Up nonobstant
"Les miracles ne troublent jamais un réaliste"
il y a 2 jours
Désolé mais je passe. Mon pote communiste m'a déjà cassé les burnes avec l'homosexuel gauchiste bougnoulophile qu'est Edouard Louis
Up nonobstant
Up nonobstant
Résumax du résumax : surcotax
il y a 2 jours
Ceci. En plus je ne vois pas le rapport avec Resumax
Donc nomi et titre putaclic en prime
il y a 2 jours
Résumax du résumax : surcotax
Ahient
Bon, je finis ma bière et je lis ton résumax qui ne fut point encore résumax
J'ai recommencé les Frères Karamazov de mon côté, mais tu vas surement me vanner sur mes attraits académiques
Bon, je finis ma bière et je lis ton résumax qui ne fut point encore résumax
J'ai recommencé les Frères Karamazov de mon côté, mais tu vas surement me vanner sur mes attraits académiques
"Les miracles ne troublent jamais un réaliste"
il y a 2 jours
Ahient
Bon, je finis ma bière et je lis ton résumax qui ne fut point encore résumax
J'ai recommencé les Frères Karamazov de mon côté, mais tu vas surement me vanner sur mes attraits académiques
Bon, je finis ma bière et je lis ton résumax qui ne fut point encore résumax
J'ai recommencé les Frères Karamazov de mon côté, mais tu vas surement me vanner sur mes attraits académiques
Ah, j'ai aussi pour projet de le relire ! Tu vas trop aimer !
il y a 2 jours
Ah le batard, il tire à balles réelles
Si ma réponse est dépourvue de stickers, c'est qu'elle est à prendre au premier degré.
il y a 2 jours
Merci pour le résumé. J’ai déjà entendu parler d’Édouard Louis, mais je ne me suis jamais vraiment intéressé à ses livres, je vais attendre encore un peu avant de m'y pencher plus sérieusement
il y a 2 jours
Promis après je ralentis le rythme.
CONTEXTE
Je me suis attaqué à ce jeune Edouard Louis très en vogue. En finir avec Eddy Bellegueule, 2014, il avait 23 ans. Et franchement, ça se ressent. C'est un bouquin tellement immature. Mais d'un autre côté, il y a un projet littéraire indéniable et des qualités surprenantes.
Avec ce roman, on entre dans l'autofiction, comme la plupart de tout ce qui se produit depuis 20 ans. C'est un genre que je déteste particulièrement. Pourtant, ce roman, je l'ai lu, et même assez vite.
Edouard Louis raconte des moments de son enfance et son adolescence dans une campagne picarde des années 90. C'est un milieu rural extrêmement précaire, où chacun est voué à répéter les mécanismes générationnels. Mais lui, il ne l'a pas fait. En fait, il n'a jamais pu, car il est né homosexuel.
Nous avons un récit très classique sur ce que ça fait d'être homosexuel dans ce milieu. Moqueries, harcèlement, violence, rejet des parents, efforts inutiles de sa part pour s'intégrer. Ce n'est pas la partie qui m'intéresse. Si ça n'avait été que ça, j'aurais mis le livre au feu.
Non, partant de là, Edouard Louis va plus loin. Il prend conscience des mécanismes de reproductions sociales. C'est son homosexualité qui lui permet de prendre conscience de cette réalité, par rapport aux autres. Il remarque que tous les hommes jouent les durs, qu'ils lâchent l'école parce que l'école c'est pour les fiottes, et qu'ils finissent tous à bosser dans l'usine du coin où ils se bousillent De même pour les femmes qui tombent enceintes au collège, et doivent lâcher leur scolarité pour s'occuper de l'enfant.
REPRODUCTION SOCIALE
Tout le monde vit dans le regret, quelque chose s'est passé et qu'ils ne comprennent pas, ils disent tous qu'ils ont commis des erreurs.
La mère d'Edouard regrette d'être tombé enceinte si jeune, d'enchaîner les boulots de merde. Pourtant, elle incite sa fille de 15 ans à rester avec le même homme car sinon ça ferait salope. Immanquablement, la fille va tomber enceinte, arrêter les études, dira qu'elle a fait des erreurs, et inculquera à sa propre fille de rester avec le même gars pour ne pas être une salope.
Le père nourrit une haine profonde envers le sien qui le battait lui et ses frères. Il s'est promis de ne jamais battre ses proches. Il n'est violent qu'avec les autres. Pourtant, l'usine lui provoque des douleurs ignobles qui le rendent méchant, et quand il découvre son fils en train de se faire sodomiser par son cousin dans le hangar, il pète une durite et passe son fils à tabac.
Edouard Louis a pu éviter ce genre de mécanisme social. Il est allé faire des études, il a côtoyé l'université, des bourgeois culturels et est devenu écrivain. C'est un transfuge de classe. Mais c'est précisément ici que se trouve la plus grande faille de ce roman, et sa grande immaturité. C'est que l'auteur idolâtre les bourgeois, il en fait des créatures parfaites, des modèles à atteindre. On sent que c'est son rêve, de faire partie de la bourgeoisie culturelle.
Il entre en transe lorsqu'il entend la voix posée des citadins tandis que lui gueule, il admire leur culture, leurs valeurs, il veut apprendre d'eux. Mais là où Martin Eden était un roman divinement bien écrit en ceci qu'il passait de la plèbe à la bourgeoisie jusqu'à la désillusion concernant cette dernière, Edouard Louis, lui, est encore en plein fantasme. Il ne voit jamais les mauvais côtés de la bourgeoisie, il n'en aperçoit ni les limites ni les fards.
Pire : il nourrit un certains dédain, un certain mépris pour sa classe d'origine. Logique et pardonnable pour un jeune homosexuel intelligent, en aucun cas pour un écrivain qui nous donne un roman à lire. On s'attend à davantage de lucidité de la part de quelqu'un qui écrit. Nos exigences sont plus hautes. Le regard qu'Edouard Louis pose sur le monde n'est encore pas à la hauteur de la tâche qu'il lui incombe.
La plus bel exemple de ce que je dis est le choix du titre. Eddy Bellegueule, c'est le nom de naissance d'Edouard Louis. Une véritable marque sur le front, un nom pareil. Eddy Bellegueule, c'est le nom d'un ouvrier, pas celui d'un écrivain. Edouard veut donc tuer Eddy, il veut taire ses origines, devenir quelqu'un d'autre, il veut devenir Edouard, ce qui vaut bien un Jean-Paul. Cette entreprise de dédaigner sa classe d'origine, on la remarque jusque dans ce titre où il veut en finir avec ça. Ne plus rien avoir à voir avec ce milieu. Il n'a pas encore compris qu'il ne sera jamais vraiment Edouard Louis.
Mais ce qu'il nous propose, ce n'est clairement pas de la merde non plus. Il a peut-être manqué d'ambition ou de maturité, mais il ne manque pas de cran. L'analyse de son milieu est neutre, froide, presque sociologique avec toutefois cette pointe d'amertume qu'on sent dans le mépris envers ceux qui l'ont exclu. Il ne se pose pas en victime, ce n'est pas du pathos rageur et larmoyant.
Ca nous donne des chapitres très curieux qui nous dérangent, qui produisent un grand effet. Sans aucune gêne, comme s'il prenait plaisir à s'auto-humilier, il nous décrit des scènes où il se fait sodomiser, craché dessus, léchant le mollard des caïds, se masturbant en vain pendant des heures sur des magazines féminin jusqu'à chopper des cloques sur la queue, et autres dégueulasseries de ce genre. Comme un rapport scientifique sur soi-même. Ce sont des moments assez forts dans le livre, justement grâce à l'épuration des sentiments quand il en parle. Ca permet à l'effroi de mieux naître en nous.
STYLE
Par ailleurs, je dois parler du style très caractéristique d'Edouard.
A 23 ans, il est parvenu à inventer son propre langage littéraire. Et ça, c'est fort. C'est un langage qui m'agace un peu, cependant. Il y a trois voix narratives entremêlées dans le récit.
La voix principale, avec un haut niveau de langage.
La voix en italique, sous forme de discours indirect libre, dans un langage très populaire. Il s'en sert pour faire parler les personnages de son milieu d'origine de façon brutale au cœur du paragraphe.
La voix entre parenthèse, la plus rare, mêlant souvent les deux premières, et servant à expliquer ou illustrer le propos en cours. Elles font parfois jusqu'à un paragraphe complet, ce que je trouve complètement con et artificiel
Ce style permet néanmoins de renforcer l'aspect transfuge de classe et c'est plutôt bien joué. On sent, on voit cette dualité d'Edouard Louis mi-bourgeois mi-cassos, et toutes ces voix cohabitent en lui. Il y a un côté qui ressemble beaucoup au film La vie est un long fleuve tranquille.
Chez mes parents, nous ne dînions pas, nous mangions. La plupart du temps, même, nous utilisions le verbe bouffer. L'appel quotidien de mon père C'est l'heure de bouffer. Quand des années plus tard je dirai dîner devant mes parents, ils se moqueront de moi Comment il parle l'autre, pour qui il se prend ? Ca y est il va à la grande école il se la joue au monsieur, il nous sort sa philosophie. Parler philosophie, c'était parler comme la classe ennemie, ceux qui ont les moyens, les riches. Parler comme ceux-là qui ont de la chance de faire des études secondaires et supérieures, et, donc, d'étudier la philosophie.
Voilà donc un auteur contemporain que je ne lirais plus avant son prochain gros succès autour de la quarantaine. Le potentiel est là, les qualités littéraires également, mais ça manque encore de maturité dans la vie. Je ne vais clairement pas lire son cycle familial. Il vient de conclure cette série de romans à maintenant 33 ans, il va probablement partir sur d'autres projets, et j'attends de voir ce qu'il peut nous proposer à présent
@ceinturion @glock @esclavotaf @bouclador @albinus @palance
CONTEXTE
Je me suis attaqué à ce jeune Edouard Louis très en vogue. En finir avec Eddy Bellegueule, 2014, il avait 23 ans. Et franchement, ça se ressent. C'est un bouquin tellement immature. Mais d'un autre côté, il y a un projet littéraire indéniable et des qualités surprenantes.
Avec ce roman, on entre dans l'autofiction, comme la plupart de tout ce qui se produit depuis 20 ans. C'est un genre que je déteste particulièrement. Pourtant, ce roman, je l'ai lu, et même assez vite.
Edouard Louis raconte des moments de son enfance et son adolescence dans une campagne picarde des années 90. C'est un milieu rural extrêmement précaire, où chacun est voué à répéter les mécanismes générationnels. Mais lui, il ne l'a pas fait. En fait, il n'a jamais pu, car il est né homosexuel.
Nous avons un récit très classique sur ce que ça fait d'être homosexuel dans ce milieu. Moqueries, harcèlement, violence, rejet des parents, efforts inutiles de sa part pour s'intégrer. Ce n'est pas la partie qui m'intéresse. Si ça n'avait été que ça, j'aurais mis le livre au feu.
Non, partant de là, Edouard Louis va plus loin. Il prend conscience des mécanismes de reproductions sociales. C'est son homosexualité qui lui permet de prendre conscience de cette réalité, par rapport aux autres. Il remarque que tous les hommes jouent les durs, qu'ils lâchent l'école parce que l'école c'est pour les fiottes, et qu'ils finissent tous à bosser dans l'usine du coin où ils se bousillent De même pour les femmes qui tombent enceintes au collège, et doivent lâcher leur scolarité pour s'occuper de l'enfant.
REPRODUCTION SOCIALE
Tout le monde vit dans le regret, quelque chose s'est passé et qu'ils ne comprennent pas, ils disent tous qu'ils ont commis des erreurs.
Edouard Louis a pu éviter ce genre de mécanisme social. Il est allé faire des études, il a côtoyé l'université, des bourgeois culturels et est devenu écrivain. C'est un transfuge de classe. Mais c'est précisément ici que se trouve la plus grande faille de ce roman, et sa grande immaturité. C'est que l'auteur idolâtre les bourgeois, il en fait des créatures parfaites, des modèles à atteindre. On sent que c'est son rêve, de faire partie de la bourgeoisie culturelle.
Il entre en transe lorsqu'il entend la voix posée des citadins tandis que lui gueule, il admire leur culture, leurs valeurs, il veut apprendre d'eux. Mais là où Martin Eden était un roman divinement bien écrit en ceci qu'il passait de la plèbe à la bourgeoisie jusqu'à la désillusion concernant cette dernière, Edouard Louis, lui, est encore en plein fantasme. Il ne voit jamais les mauvais côtés de la bourgeoisie, il n'en aperçoit ni les limites ni les fards.
Pire : il nourrit un certains dédain, un certain mépris pour sa classe d'origine. Logique et pardonnable pour un jeune homosexuel intelligent, en aucun cas pour un écrivain qui nous donne un roman à lire. On s'attend à davantage de lucidité de la part de quelqu'un qui écrit. Nos exigences sont plus hautes. Le regard qu'Edouard Louis pose sur le monde n'est encore pas à la hauteur de la tâche qu'il lui incombe.
La plus bel exemple de ce que je dis est le choix du titre. Eddy Bellegueule, c'est le nom de naissance d'Edouard Louis. Une véritable marque sur le front, un nom pareil. Eddy Bellegueule, c'est le nom d'un ouvrier, pas celui d'un écrivain. Edouard veut donc tuer Eddy, il veut taire ses origines, devenir quelqu'un d'autre, il veut devenir Edouard, ce qui vaut bien un Jean-Paul. Cette entreprise de dédaigner sa classe d'origine, on la remarque jusque dans ce titre où il veut en finir avec ça. Ne plus rien avoir à voir avec ce milieu. Il n'a pas encore compris qu'il ne sera jamais vraiment Edouard Louis.
Mais ce qu'il nous propose, ce n'est clairement pas de la merde non plus. Il a peut-être manqué d'ambition ou de maturité, mais il ne manque pas de cran. L'analyse de son milieu est neutre, froide, presque sociologique avec toutefois cette pointe d'amertume qu'on sent dans le mépris envers ceux qui l'ont exclu. Il ne se pose pas en victime, ce n'est pas du pathos rageur et larmoyant.
Ca nous donne des chapitres très curieux qui nous dérangent, qui produisent un grand effet. Sans aucune gêne, comme s'il prenait plaisir à s'auto-humilier, il nous décrit des scènes où il se fait sodomiser, craché dessus, léchant le mollard des caïds, se masturbant en vain pendant des heures sur des magazines féminin jusqu'à chopper des cloques sur la queue, et autres dégueulasseries de ce genre. Comme un rapport scientifique sur soi-même. Ce sont des moments assez forts dans le livre, justement grâce à l'épuration des sentiments quand il en parle. Ca permet à l'effroi de mieux naître en nous.
STYLE
Par ailleurs, je dois parler du style très caractéristique d'Edouard.
A 23 ans, il est parvenu à inventer son propre langage littéraire. Et ça, c'est fort. C'est un langage qui m'agace un peu, cependant. Il y a trois voix narratives entremêlées dans le récit.
Ce style permet néanmoins de renforcer l'aspect transfuge de classe et c'est plutôt bien joué. On sent, on voit cette dualité d'Edouard Louis mi-bourgeois mi-cassos, et toutes ces voix cohabitent en lui. Il y a un côté qui ressemble beaucoup au film La vie est un long fleuve tranquille.
Chez mes parents, nous ne dînions pas, nous mangions. La plupart du temps, même, nous utilisions le verbe bouffer. L'appel quotidien de mon père C'est l'heure de bouffer. Quand des années plus tard je dirai dîner devant mes parents, ils se moqueront de moi Comment il parle l'autre, pour qui il se prend ? Ca y est il va à la grande école il se la joue au monsieur, il nous sort sa philosophie. Parler philosophie, c'était parler comme la classe ennemie, ceux qui ont les moyens, les riches. Parler comme ceux-là qui ont de la chance de faire des études secondaires et supérieures, et, donc, d'étudier la philosophie.
Voilà donc un auteur contemporain que je ne lirais plus avant son prochain gros succès autour de la quarantaine. Le potentiel est là, les qualités littéraires également, mais ça manque encore de maturité dans la vie. Je ne vais clairement pas lire son cycle familial. Il vient de conclure cette série de romans à maintenant 33 ans, il va probablement partir sur d'autres projets, et j'attends de voir ce qu'il peut nous proposer à présent
@ceinturion @glock @esclavotaf @bouclador @albinus @palance
C’est autobiographique?
Né dans une famille ouvrière du nord il devient un bon écrivain mais humainement :
- renie ses origines
-vit en couple avec un aristocrate ( homo )
C’est l’inversion du bobo.
Né dans une famille ouvrière du nord il devient un bon écrivain mais humainement :
- renie ses origines
-vit en couple avec un aristocrate ( homo )
C’est l’inversion du bobo.
il y a 2 jours
C’est autobiographique?
Né dans une famille ouvrière du nord il devient un bon écrivain mais humainement :
- renie ses origines
-vit en couple avec un aristocrate ( homo )
C’est l’inversion du bobo.
Né dans une famille ouvrière du nord il devient un bon écrivain mais humainement :
- renie ses origines
-vit en couple avec un aristocrate ( homo )
C’est l’inversion du bobo.
Oui ça l'est
il y a 2 jours
Promis après je ralentis le rythme.
CONTEXTE
Je me suis attaqué à ce jeune Edouard Louis très en vogue. En finir avec Eddy Bellegueule, 2014, il avait 23 ans. Et franchement, ça se ressent. C'est un bouquin tellement immature. Mais d'un autre côté, il y a un projet littéraire indéniable et des qualités surprenantes.
Avec ce roman, on entre dans l'autofiction, comme la plupart de tout ce qui se produit depuis 20 ans. C'est un genre que je déteste particulièrement. Pourtant, ce roman, je l'ai lu, et même assez vite.
Edouard Louis raconte des moments de son enfance et son adolescence dans une campagne picarde des années 90. C'est un milieu rural extrêmement précaire, où chacun est voué à répéter les mécanismes générationnels. Mais lui, il ne l'a pas fait. En fait, il n'a jamais pu, car il est né homosexuel.
Nous avons un récit très classique sur ce que ça fait d'être homosexuel dans ce milieu. Moqueries, harcèlement, violence, rejet des parents, efforts inutiles de sa part pour s'intégrer. Ce n'est pas la partie qui m'intéresse. Si ça n'avait été que ça, j'aurais mis le livre au feu.
Non, partant de là, Edouard Louis va plus loin. Il prend conscience des mécanismes de reproductions sociales. C'est son homosexualité qui lui permet de prendre conscience de cette réalité, par rapport aux autres. Il remarque que tous les hommes jouent les durs, qu'ils lâchent l'école parce que l'école c'est pour les fiottes, et qu'ils finissent tous à bosser dans l'usine du coin où ils se bousillent De même pour les femmes qui tombent enceintes au collège, et doivent lâcher leur scolarité pour s'occuper de l'enfant.
REPRODUCTION SOCIALE
Tout le monde vit dans le regret, quelque chose s'est passé et qu'ils ne comprennent pas, ils disent tous qu'ils ont commis des erreurs.
La mère d'Edouard regrette d'être tombé enceinte si jeune, d'enchaîner les boulots de merde. Pourtant, elle incite sa fille de 15 ans à rester avec le même homme car sinon ça ferait salope. Immanquablement, la fille va tomber enceinte, arrêter les études, dira qu'elle a fait des erreurs, et inculquera à sa propre fille de rester avec le même gars pour ne pas être une salope.
Le père nourrit une haine profonde envers le sien qui le battait lui et ses frères. Il s'est promis de ne jamais battre ses proches. Il n'est violent qu'avec les autres. Pourtant, l'usine lui provoque des douleurs ignobles qui le rendent méchant, et quand il découvre son fils en train de se faire sodomiser par son cousin dans le hangar, il pète une durite et passe son fils à tabac.
Edouard Louis a pu éviter ce genre de mécanisme social. Il est allé faire des études, il a côtoyé l'université, des bourgeois culturels et est devenu écrivain. C'est un transfuge de classe. Mais c'est précisément ici que se trouve la plus grande faille de ce roman, et sa grande immaturité. C'est que l'auteur idolâtre les bourgeois, il en fait des créatures parfaites, des modèles à atteindre. On sent que c'est son rêve, de faire partie de la bourgeoisie culturelle.
Il entre en transe lorsqu'il entend la voix posée des citadins tandis que lui gueule, il admire leur culture, leurs valeurs, il veut apprendre d'eux. Mais là où Martin Eden était un roman divinement bien écrit en ceci qu'il passait de la plèbe à la bourgeoisie jusqu'à la désillusion concernant cette dernière, Edouard Louis, lui, est encore en plein fantasme. Il ne voit jamais les mauvais côtés de la bourgeoisie, il n'en aperçoit ni les limites ni les fards.
Pire : il nourrit un certains dédain, un certain mépris pour sa classe d'origine. Logique et pardonnable pour un jeune homosexuel intelligent, en aucun cas pour un écrivain qui nous donne un roman à lire. On s'attend à davantage de lucidité de la part de quelqu'un qui écrit. Nos exigences sont plus hautes. Le regard qu'Edouard Louis pose sur le monde n'est encore pas à la hauteur de la tâche qu'il lui incombe.
La plus bel exemple de ce que je dis est le choix du titre. Eddy Bellegueule, c'est le nom de naissance d'Edouard Louis. Une véritable marque sur le front, un nom pareil. Eddy Bellegueule, c'est le nom d'un ouvrier, pas celui d'un écrivain. Edouard veut donc tuer Eddy, il veut taire ses origines, devenir quelqu'un d'autre, il veut devenir Edouard, ce qui vaut bien un Jean-Paul. Cette entreprise de dédaigner sa classe d'origine, on la remarque jusque dans ce titre où il veut en finir avec ça. Ne plus rien avoir à voir avec ce milieu. Il n'a pas encore compris qu'il ne sera jamais vraiment Edouard Louis.
Mais ce qu'il nous propose, ce n'est clairement pas de la merde non plus. Il a peut-être manqué d'ambition ou de maturité, mais il ne manque pas de cran. L'analyse de son milieu est neutre, froide, presque sociologique avec toutefois cette pointe d'amertume qu'on sent dans le mépris envers ceux qui l'ont exclu. Il ne se pose pas en victime, ce n'est pas du pathos rageur et larmoyant.
Ca nous donne des chapitres très curieux qui nous dérangent, qui produisent un grand effet. Sans aucune gêne, comme s'il prenait plaisir à s'auto-humilier, il nous décrit des scènes où il se fait sodomiser, craché dessus, léchant le mollard des caïds, se masturbant en vain pendant des heures sur des magazines féminin jusqu'à chopper des cloques sur la queue, et autres dégueulasseries de ce genre. Comme un rapport scientifique sur soi-même. Ce sont des moments assez forts dans le livre, justement grâce à l'épuration des sentiments quand il en parle. Ca permet à l'effroi de mieux naître en nous.
STYLE
Par ailleurs, je dois parler du style très caractéristique d'Edouard.
A 23 ans, il est parvenu à inventer son propre langage littéraire. Et ça, c'est fort. C'est un langage qui m'agace un peu, cependant. Il y a trois voix narratives entremêlées dans le récit.
La voix principale, avec un haut niveau de langage.
La voix en italique, sous forme de discours indirect libre, dans un langage très populaire. Il s'en sert pour faire parler les personnages de son milieu d'origine de façon brutale au cœur du paragraphe.
La voix entre parenthèse, la plus rare, mêlant souvent les deux premières, et servant à expliquer ou illustrer le propos en cours. Elles font parfois jusqu'à un paragraphe complet, ce que je trouve complètement con et artificiel
Ce style permet néanmoins de renforcer l'aspect transfuge de classe et c'est plutôt bien joué. On sent, on voit cette dualité d'Edouard Louis mi-bourgeois mi-cassos, et toutes ces voix cohabitent en lui. Il y a un côté qui ressemble beaucoup au film La vie est un long fleuve tranquille.
Chez mes parents, nous ne dînions pas, nous mangions. La plupart du temps, même, nous utilisions le verbe bouffer. L'appel quotidien de mon père C'est l'heure de bouffer. Quand des années plus tard je dirai dîner devant mes parents, ils se moqueront de moi Comment il parle l'autre, pour qui il se prend ? Ca y est il va à la grande école il se la joue au monsieur, il nous sort sa philosophie. Parler philosophie, c'était parler comme la classe ennemie, ceux qui ont les moyens, les riches. Parler comme ceux-là qui ont de la chance de faire des études secondaires et supérieures, et, donc, d'étudier la philosophie.
Voilà donc un auteur contemporain que je ne lirais plus avant son prochain gros succès autour de la quarantaine. Le potentiel est là, les qualités littéraires également, mais ça manque encore de maturité dans la vie. Je ne vais clairement pas lire son cycle familial. Il vient de conclure cette série de romans à maintenant 33 ans, il va probablement partir sur d'autres projets, et j'attends de voir ce qu'il peut nous proposer à présent
@ceinturion @glock @esclavotaf @bouclador @albinus @palance
CONTEXTE
Je me suis attaqué à ce jeune Edouard Louis très en vogue. En finir avec Eddy Bellegueule, 2014, il avait 23 ans. Et franchement, ça se ressent. C'est un bouquin tellement immature. Mais d'un autre côté, il y a un projet littéraire indéniable et des qualités surprenantes.
Avec ce roman, on entre dans l'autofiction, comme la plupart de tout ce qui se produit depuis 20 ans. C'est un genre que je déteste particulièrement. Pourtant, ce roman, je l'ai lu, et même assez vite.
Edouard Louis raconte des moments de son enfance et son adolescence dans une campagne picarde des années 90. C'est un milieu rural extrêmement précaire, où chacun est voué à répéter les mécanismes générationnels. Mais lui, il ne l'a pas fait. En fait, il n'a jamais pu, car il est né homosexuel.
Nous avons un récit très classique sur ce que ça fait d'être homosexuel dans ce milieu. Moqueries, harcèlement, violence, rejet des parents, efforts inutiles de sa part pour s'intégrer. Ce n'est pas la partie qui m'intéresse. Si ça n'avait été que ça, j'aurais mis le livre au feu.
Non, partant de là, Edouard Louis va plus loin. Il prend conscience des mécanismes de reproductions sociales. C'est son homosexualité qui lui permet de prendre conscience de cette réalité, par rapport aux autres. Il remarque que tous les hommes jouent les durs, qu'ils lâchent l'école parce que l'école c'est pour les fiottes, et qu'ils finissent tous à bosser dans l'usine du coin où ils se bousillent De même pour les femmes qui tombent enceintes au collège, et doivent lâcher leur scolarité pour s'occuper de l'enfant.
REPRODUCTION SOCIALE
Tout le monde vit dans le regret, quelque chose s'est passé et qu'ils ne comprennent pas, ils disent tous qu'ils ont commis des erreurs.
Edouard Louis a pu éviter ce genre de mécanisme social. Il est allé faire des études, il a côtoyé l'université, des bourgeois culturels et est devenu écrivain. C'est un transfuge de classe. Mais c'est précisément ici que se trouve la plus grande faille de ce roman, et sa grande immaturité. C'est que l'auteur idolâtre les bourgeois, il en fait des créatures parfaites, des modèles à atteindre. On sent que c'est son rêve, de faire partie de la bourgeoisie culturelle.
Il entre en transe lorsqu'il entend la voix posée des citadins tandis que lui gueule, il admire leur culture, leurs valeurs, il veut apprendre d'eux. Mais là où Martin Eden était un roman divinement bien écrit en ceci qu'il passait de la plèbe à la bourgeoisie jusqu'à la désillusion concernant cette dernière, Edouard Louis, lui, est encore en plein fantasme. Il ne voit jamais les mauvais côtés de la bourgeoisie, il n'en aperçoit ni les limites ni les fards.
Pire : il nourrit un certains dédain, un certain mépris pour sa classe d'origine. Logique et pardonnable pour un jeune homosexuel intelligent, en aucun cas pour un écrivain qui nous donne un roman à lire. On s'attend à davantage de lucidité de la part de quelqu'un qui écrit. Nos exigences sont plus hautes. Le regard qu'Edouard Louis pose sur le monde n'est encore pas à la hauteur de la tâche qu'il lui incombe.
La plus bel exemple de ce que je dis est le choix du titre. Eddy Bellegueule, c'est le nom de naissance d'Edouard Louis. Une véritable marque sur le front, un nom pareil. Eddy Bellegueule, c'est le nom d'un ouvrier, pas celui d'un écrivain. Edouard veut donc tuer Eddy, il veut taire ses origines, devenir quelqu'un d'autre, il veut devenir Edouard, ce qui vaut bien un Jean-Paul. Cette entreprise de dédaigner sa classe d'origine, on la remarque jusque dans ce titre où il veut en finir avec ça. Ne plus rien avoir à voir avec ce milieu. Il n'a pas encore compris qu'il ne sera jamais vraiment Edouard Louis.
Mais ce qu'il nous propose, ce n'est clairement pas de la merde non plus. Il a peut-être manqué d'ambition ou de maturité, mais il ne manque pas de cran. L'analyse de son milieu est neutre, froide, presque sociologique avec toutefois cette pointe d'amertume qu'on sent dans le mépris envers ceux qui l'ont exclu. Il ne se pose pas en victime, ce n'est pas du pathos rageur et larmoyant.
Ca nous donne des chapitres très curieux qui nous dérangent, qui produisent un grand effet. Sans aucune gêne, comme s'il prenait plaisir à s'auto-humilier, il nous décrit des scènes où il se fait sodomiser, craché dessus, léchant le mollard des caïds, se masturbant en vain pendant des heures sur des magazines féminin jusqu'à chopper des cloques sur la queue, et autres dégueulasseries de ce genre. Comme un rapport scientifique sur soi-même. Ce sont des moments assez forts dans le livre, justement grâce à l'épuration des sentiments quand il en parle. Ca permet à l'effroi de mieux naître en nous.
STYLE
Par ailleurs, je dois parler du style très caractéristique d'Edouard.
A 23 ans, il est parvenu à inventer son propre langage littéraire. Et ça, c'est fort. C'est un langage qui m'agace un peu, cependant. Il y a trois voix narratives entremêlées dans le récit.
Ce style permet néanmoins de renforcer l'aspect transfuge de classe et c'est plutôt bien joué. On sent, on voit cette dualité d'Edouard Louis mi-bourgeois mi-cassos, et toutes ces voix cohabitent en lui. Il y a un côté qui ressemble beaucoup au film La vie est un long fleuve tranquille.
Chez mes parents, nous ne dînions pas, nous mangions. La plupart du temps, même, nous utilisions le verbe bouffer. L'appel quotidien de mon père C'est l'heure de bouffer. Quand des années plus tard je dirai dîner devant mes parents, ils se moqueront de moi Comment il parle l'autre, pour qui il se prend ? Ca y est il va à la grande école il se la joue au monsieur, il nous sort sa philosophie. Parler philosophie, c'était parler comme la classe ennemie, ceux qui ont les moyens, les riches. Parler comme ceux-là qui ont de la chance de faire des études secondaires et supérieures, et, donc, d'étudier la philosophie.
Voilà donc un auteur contemporain que je ne lirais plus avant son prochain gros succès autour de la quarantaine. Le potentiel est là, les qualités littéraires également, mais ça manque encore de maturité dans la vie. Je ne vais clairement pas lire son cycle familial. Il vient de conclure cette série de romans à maintenant 33 ans, il va probablement partir sur d'autres projets, et j'attends de voir ce qu'il peut nous proposer à présent
@ceinturion @glock @esclavotaf @bouclador @albinus @palance
Prochain livre dans quelques années : Il va faire la critique de son nouveau milieu et trouver une certaine chaleur dans le milieu rural qu'il ne retrouve plus désormais, mais tout en restant amer de ce qu'il a subi à cause de son homosexualité et va ainsi se retrouver perdu entre deux mondes qu'il ne parvient pas à integrer
il y a 2 jours
Promis après je ralentis le rythme.
CONTEXTE
Je me suis attaqué à ce jeune Edouard Louis très en vogue. En finir avec Eddy Bellegueule, 2014, il avait 23 ans. Et franchement, ça se ressent. C'est un bouquin tellement immature. Mais d'un autre côté, il y a un projet littéraire indéniable et des qualités surprenantes.
Avec ce roman, on entre dans l'autofiction, comme la plupart de tout ce qui se produit depuis 20 ans. C'est un genre que je déteste particulièrement. Pourtant, ce roman, je l'ai lu, et même assez vite.
Edouard Louis raconte des moments de son enfance et son adolescence dans une campagne picarde des années 90. C'est un milieu rural extrêmement précaire, où chacun est voué à répéter les mécanismes générationnels. Mais lui, il ne l'a pas fait. En fait, il n'a jamais pu, car il est né homosexuel.
Nous avons un récit très classique sur ce que ça fait d'être homosexuel dans ce milieu. Moqueries, harcèlement, violence, rejet des parents, efforts inutiles de sa part pour s'intégrer. Ce n'est pas la partie qui m'intéresse. Si ça n'avait été que ça, j'aurais mis le livre au feu.
Non, partant de là, Edouard Louis va plus loin. Il prend conscience des mécanismes de reproductions sociales. C'est son homosexualité qui lui permet de prendre conscience de cette réalité, par rapport aux autres. Il remarque que tous les hommes jouent les durs, qu'ils lâchent l'école parce que l'école c'est pour les fiottes, et qu'ils finissent tous à bosser dans l'usine du coin où ils se bousillent De même pour les femmes qui tombent enceintes au collège, et doivent lâcher leur scolarité pour s'occuper de l'enfant.
REPRODUCTION SOCIALE
Tout le monde vit dans le regret, quelque chose s'est passé et qu'ils ne comprennent pas, ils disent tous qu'ils ont commis des erreurs.
La mère d'Edouard regrette d'être tombé enceinte si jeune, d'enchaîner les boulots de merde. Pourtant, elle incite sa fille de 15 ans à rester avec le même homme car sinon ça ferait salope. Immanquablement, la fille va tomber enceinte, arrêter les études, dira qu'elle a fait des erreurs, et inculquera à sa propre fille de rester avec le même gars pour ne pas être une salope.
Le père nourrit une haine profonde envers le sien qui le battait lui et ses frères. Il s'est promis de ne jamais battre ses proches. Il n'est violent qu'avec les autres. Pourtant, l'usine lui provoque des douleurs ignobles qui le rendent méchant, et quand il découvre son fils en train de se faire sodomiser par son cousin dans le hangar, il pète une durite et passe son fils à tabac.
Edouard Louis a pu éviter ce genre de mécanisme social. Il est allé faire des études, il a côtoyé l'université, des bourgeois culturels et est devenu écrivain. C'est un transfuge de classe. Mais c'est précisément ici que se trouve la plus grande faille de ce roman, et sa grande immaturité. C'est que l'auteur idolâtre les bourgeois, il en fait des créatures parfaites, des modèles à atteindre. On sent que c'est son rêve, de faire partie de la bourgeoisie culturelle.
Il entre en transe lorsqu'il entend la voix posée des citadins tandis que lui gueule, il admire leur culture, leurs valeurs, il veut apprendre d'eux. Mais là où Martin Eden était un roman divinement bien écrit en ceci qu'il passait de la plèbe à la bourgeoisie jusqu'à la désillusion concernant cette dernière, Edouard Louis, lui, est encore en plein fantasme. Il ne voit jamais les mauvais côtés de la bourgeoisie, il n'en aperçoit ni les limites ni les fards.
Pire : il nourrit un certains dédain, un certain mépris pour sa classe d'origine. Logique et pardonnable pour un jeune homosexuel intelligent, en aucun cas pour un écrivain qui nous donne un roman à lire. On s'attend à davantage de lucidité de la part de quelqu'un qui écrit. Nos exigences sont plus hautes. Le regard qu'Edouard Louis pose sur le monde n'est encore pas à la hauteur de la tâche qu'il lui incombe.
La plus bel exemple de ce que je dis est le choix du titre. Eddy Bellegueule, c'est le nom de naissance d'Edouard Louis. Une véritable marque sur le front, un nom pareil. Eddy Bellegueule, c'est le nom d'un ouvrier, pas celui d'un écrivain. Edouard veut donc tuer Eddy, il veut taire ses origines, devenir quelqu'un d'autre, il veut devenir Edouard, ce qui vaut bien un Jean-Paul. Cette entreprise de dédaigner sa classe d'origine, on la remarque jusque dans ce titre où il veut en finir avec ça. Ne plus rien avoir à voir avec ce milieu. Il n'a pas encore compris qu'il ne sera jamais vraiment Edouard Louis.
Mais ce qu'il nous propose, ce n'est clairement pas de la merde non plus. Il a peut-être manqué d'ambition ou de maturité, mais il ne manque pas de cran. L'analyse de son milieu est neutre, froide, presque sociologique avec toutefois cette pointe d'amertume qu'on sent dans le mépris envers ceux qui l'ont exclu. Il ne se pose pas en victime, ce n'est pas du pathos rageur et larmoyant.
Ca nous donne des chapitres très curieux qui nous dérangent, qui produisent un grand effet. Sans aucune gêne, comme s'il prenait plaisir à s'auto-humilier, il nous décrit des scènes où il se fait sodomiser, craché dessus, léchant le mollard des caïds, se masturbant en vain pendant des heures sur des magazines féminin jusqu'à chopper des cloques sur la queue, et autres dégueulasseries de ce genre. Comme un rapport scientifique sur soi-même. Ce sont des moments assez forts dans le livre, justement grâce à l'épuration des sentiments quand il en parle. Ca permet à l'effroi de mieux naître en nous.
STYLE
Par ailleurs, je dois parler du style très caractéristique d'Edouard.
A 23 ans, il est parvenu à inventer son propre langage littéraire. Et ça, c'est fort. C'est un langage qui m'agace un peu, cependant. Il y a trois voix narratives entremêlées dans le récit.
La voix principale, avec un haut niveau de langage.
La voix en italique, sous forme de discours indirect libre, dans un langage très populaire. Il s'en sert pour faire parler les personnages de son milieu d'origine de façon brutale au cœur du paragraphe.
La voix entre parenthèse, la plus rare, mêlant souvent les deux premières, et servant à expliquer ou illustrer le propos en cours. Elles font parfois jusqu'à un paragraphe complet, ce que je trouve complètement con et artificiel
Ce style permet néanmoins de renforcer l'aspect transfuge de classe et c'est plutôt bien joué. On sent, on voit cette dualité d'Edouard Louis mi-bourgeois mi-cassos, et toutes ces voix cohabitent en lui. Il y a un côté qui ressemble beaucoup au film La vie est un long fleuve tranquille.
Chez mes parents, nous ne dînions pas, nous mangions. La plupart du temps, même, nous utilisions le verbe bouffer. L'appel quotidien de mon père C'est l'heure de bouffer. Quand des années plus tard je dirai dîner devant mes parents, ils se moqueront de moi Comment il parle l'autre, pour qui il se prend ? Ca y est il va à la grande école il se la joue au monsieur, il nous sort sa philosophie. Parler philosophie, c'était parler comme la classe ennemie, ceux qui ont les moyens, les riches. Parler comme ceux-là qui ont de la chance de faire des études secondaires et supérieures, et, donc, d'étudier la philosophie.
Voilà donc un auteur contemporain que je ne lirais plus avant son prochain gros succès autour de la quarantaine. Le potentiel est là, les qualités littéraires également, mais ça manque encore de maturité dans la vie. Je ne vais clairement pas lire son cycle familial. Il vient de conclure cette série de romans à maintenant 33 ans, il va probablement partir sur d'autres projets, et j'attends de voir ce qu'il peut nous proposer à présent
@ceinturion @glock @esclavotaf @bouclador @albinus @palance
CONTEXTE
Je me suis attaqué à ce jeune Edouard Louis très en vogue. En finir avec Eddy Bellegueule, 2014, il avait 23 ans. Et franchement, ça se ressent. C'est un bouquin tellement immature. Mais d'un autre côté, il y a un projet littéraire indéniable et des qualités surprenantes.
Avec ce roman, on entre dans l'autofiction, comme la plupart de tout ce qui se produit depuis 20 ans. C'est un genre que je déteste particulièrement. Pourtant, ce roman, je l'ai lu, et même assez vite.
Edouard Louis raconte des moments de son enfance et son adolescence dans une campagne picarde des années 90. C'est un milieu rural extrêmement précaire, où chacun est voué à répéter les mécanismes générationnels. Mais lui, il ne l'a pas fait. En fait, il n'a jamais pu, car il est né homosexuel.
Nous avons un récit très classique sur ce que ça fait d'être homosexuel dans ce milieu. Moqueries, harcèlement, violence, rejet des parents, efforts inutiles de sa part pour s'intégrer. Ce n'est pas la partie qui m'intéresse. Si ça n'avait été que ça, j'aurais mis le livre au feu.
Non, partant de là, Edouard Louis va plus loin. Il prend conscience des mécanismes de reproductions sociales. C'est son homosexualité qui lui permet de prendre conscience de cette réalité, par rapport aux autres. Il remarque que tous les hommes jouent les durs, qu'ils lâchent l'école parce que l'école c'est pour les fiottes, et qu'ils finissent tous à bosser dans l'usine du coin où ils se bousillent De même pour les femmes qui tombent enceintes au collège, et doivent lâcher leur scolarité pour s'occuper de l'enfant.
REPRODUCTION SOCIALE
Tout le monde vit dans le regret, quelque chose s'est passé et qu'ils ne comprennent pas, ils disent tous qu'ils ont commis des erreurs.
Edouard Louis a pu éviter ce genre de mécanisme social. Il est allé faire des études, il a côtoyé l'université, des bourgeois culturels et est devenu écrivain. C'est un transfuge de classe. Mais c'est précisément ici que se trouve la plus grande faille de ce roman, et sa grande immaturité. C'est que l'auteur idolâtre les bourgeois, il en fait des créatures parfaites, des modèles à atteindre. On sent que c'est son rêve, de faire partie de la bourgeoisie culturelle.
Il entre en transe lorsqu'il entend la voix posée des citadins tandis que lui gueule, il admire leur culture, leurs valeurs, il veut apprendre d'eux. Mais là où Martin Eden était un roman divinement bien écrit en ceci qu'il passait de la plèbe à la bourgeoisie jusqu'à la désillusion concernant cette dernière, Edouard Louis, lui, est encore en plein fantasme. Il ne voit jamais les mauvais côtés de la bourgeoisie, il n'en aperçoit ni les limites ni les fards.
Pire : il nourrit un certains dédain, un certain mépris pour sa classe d'origine. Logique et pardonnable pour un jeune homosexuel intelligent, en aucun cas pour un écrivain qui nous donne un roman à lire. On s'attend à davantage de lucidité de la part de quelqu'un qui écrit. Nos exigences sont plus hautes. Le regard qu'Edouard Louis pose sur le monde n'est encore pas à la hauteur de la tâche qu'il lui incombe.
La plus bel exemple de ce que je dis est le choix du titre. Eddy Bellegueule, c'est le nom de naissance d'Edouard Louis. Une véritable marque sur le front, un nom pareil. Eddy Bellegueule, c'est le nom d'un ouvrier, pas celui d'un écrivain. Edouard veut donc tuer Eddy, il veut taire ses origines, devenir quelqu'un d'autre, il veut devenir Edouard, ce qui vaut bien un Jean-Paul. Cette entreprise de dédaigner sa classe d'origine, on la remarque jusque dans ce titre où il veut en finir avec ça. Ne plus rien avoir à voir avec ce milieu. Il n'a pas encore compris qu'il ne sera jamais vraiment Edouard Louis.
Mais ce qu'il nous propose, ce n'est clairement pas de la merde non plus. Il a peut-être manqué d'ambition ou de maturité, mais il ne manque pas de cran. L'analyse de son milieu est neutre, froide, presque sociologique avec toutefois cette pointe d'amertume qu'on sent dans le mépris envers ceux qui l'ont exclu. Il ne se pose pas en victime, ce n'est pas du pathos rageur et larmoyant.
Ca nous donne des chapitres très curieux qui nous dérangent, qui produisent un grand effet. Sans aucune gêne, comme s'il prenait plaisir à s'auto-humilier, il nous décrit des scènes où il se fait sodomiser, craché dessus, léchant le mollard des caïds, se masturbant en vain pendant des heures sur des magazines féminin jusqu'à chopper des cloques sur la queue, et autres dégueulasseries de ce genre. Comme un rapport scientifique sur soi-même. Ce sont des moments assez forts dans le livre, justement grâce à l'épuration des sentiments quand il en parle. Ca permet à l'effroi de mieux naître en nous.
STYLE
Par ailleurs, je dois parler du style très caractéristique d'Edouard.
A 23 ans, il est parvenu à inventer son propre langage littéraire. Et ça, c'est fort. C'est un langage qui m'agace un peu, cependant. Il y a trois voix narratives entremêlées dans le récit.
Ce style permet néanmoins de renforcer l'aspect transfuge de classe et c'est plutôt bien joué. On sent, on voit cette dualité d'Edouard Louis mi-bourgeois mi-cassos, et toutes ces voix cohabitent en lui. Il y a un côté qui ressemble beaucoup au film La vie est un long fleuve tranquille.
Chez mes parents, nous ne dînions pas, nous mangions. La plupart du temps, même, nous utilisions le verbe bouffer. L'appel quotidien de mon père C'est l'heure de bouffer. Quand des années plus tard je dirai dîner devant mes parents, ils se moqueront de moi Comment il parle l'autre, pour qui il se prend ? Ca y est il va à la grande école il se la joue au monsieur, il nous sort sa philosophie. Parler philosophie, c'était parler comme la classe ennemie, ceux qui ont les moyens, les riches. Parler comme ceux-là qui ont de la chance de faire des études secondaires et supérieures, et, donc, d'étudier la philosophie.
Voilà donc un auteur contemporain que je ne lirais plus avant son prochain gros succès autour de la quarantaine. Le potentiel est là, les qualités littéraires également, mais ça manque encore de maturité dans la vie. Je ne vais clairement pas lire son cycle familial. Il vient de conclure cette série de romans à maintenant 33 ans, il va probablement partir sur d'autres projets, et j'attends de voir ce qu'il peut nous proposer à présent
@ceinturion @glock @esclavotaf @bouclador @albinus @palance
J'avais beaucoup aimé la rendtion de la manière de parler populaire ! Beaucoup de bon réalisme et ça m'avait rappelé les mauvaises manières de ma propre famille (toutes proportions gardées)
Tu peux aussi regarder le film qui est plutôt bon
Et lire Retour à Reims de Didier Eribon, un des amis proches de Edouard Louis et qui traite du même sujet des transfuges de classe !
Et puis tant qu'à faire continuer par Antoine Bloyé, par Paul Nizan, toujours sur le même thème, mais qui raconte cette fois-ci l'ascension de son propre père comme ingénieur et chef d'usine
Tu peux aussi regarder le film qui est plutôt bon
Et lire Retour à Reims de Didier Eribon, un des amis proches de Edouard Louis et qui traite du même sujet des transfuges de classe !
Et puis tant qu'à faire continuer par Antoine Bloyé, par Paul Nizan, toujours sur le même thème, mais qui raconte cette fois-ci l'ascension de son propre père comme ingénieur et chef d'usine
il y a 2 jours
Mais sinon oui, il devient fatiguant de constater qu'il faut être homosexuel d'ultragauche pour s'élever...
Et puis la boucle de l'autofiction où est coincée la littérature française depuis 30 ans devient stérile...
Et puis la boucle de l'autofiction où est coincée la littérature française depuis 30 ans devient stérile...
il y a 2 jours
Prochain livre dans quelques années : Il va faire la critique de son nouveau milieu et trouver une certaine chaleur dans le milieu rural qu'il ne retrouve plus désormais, mais tout en restant amer de ce qu'il a subi à cause de son homosexualité et va ainsi se retrouver perdu entre deux mondes qu'il ne parvient pas à integrer
Ayaaaaaa la boucle de l'autofiction
il y a 2 jours






























