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Bonjour
:water:


En ce lendemain de Noël je me permets de vous faire parvenir ma modeste contribution d’une initiation à Heidegger sous quelques auspices chrétiennes. Cette initiation concerne en particulier les écrits d'Heidegger publiés à titre posthume que l’on nomme généralement « ésotérique » en vertu de leur caractère hermétique. J’ai pour but, un peu naïf certes, de vous transmettre l’admiration que j’éprouve pour cette pensée, ou plutôt cette invitation à penser, qui trop souvent se restreint dans le carcan universitaire avec des termes tous plus inhabituels les uns que les autres comme : estre, aître, fondamentation, qui bien que précis et riche dans leur teneur étymologique, il en reste que leur traduction appauvrisse le sens du langage parlé dont ils sont revêtus originellement en allemand.

C’est la raison pour laquelle je propose ici une habitation de la pensée sous la demeure nipponne, qui nous a gratifié du film de la contemplation par excellence – l’Œuf de l’ange. Le film y traite des sujets comme le nihilisme, la foi ou encore le salut. Donc si ce genre de sujet vous intéresse, je vous somme de prévoir un moment dans votre journée pour le regarder (il ne dure qu'une heure et quelques minutes). Disponible gratuitement ici :
Vous devez être au niveau 0 pour voir ce message.


J’ai tenté de retenir certaines critiques qui m’ont été faites lors de mon précédent topic (onche.org https://onche.org/topic/4[...]3596/pave-divin-et-poesie) en inscrivant les concepts abstraits dans une réalité concrète produite par l’imagination. De sorte que même si vous ne comprenez pas tout, vous puissiez tisser plus aisément des liens entre ce que j’aurais oublié de dire ou que j’aurais mal dit.

Pourquoi ce film ?

Parce qu’il est question des thèmes énoncés plus haut et qu'ils s’inscrivent dans une tonalité, une certaine harmonie du monde dont Heidegger à déjà mainte fois parler lors de ses cours des années 30, c'est-à-dire un monde en ruines abandonné par la divinité, où le nihilisme règne dans une des ambiances les plus lugubres et malsaines. Atout majeur : la voie de la déréliction de la foi est transmise comme une porte au salut, qui s’incarne dans la figure touchante de la fillette. La condition atteinte la plus basse existentiellement parlant serait susceptible d’ouvrir d’autres portes dont les joies ou les extases classiques de mystiques en seraient incapables.

Préambule

Heidegger, issue d’une famille rurale du bas de l’Allemagne, restera toute sa vie attaché à ses origines, à la terre de ses ancêtres ainsi qu'au Danube qui prend sa source non loin de chez lui. Après avoir suivi des études de théologie fructueuses, il monta l’échelle sociale jusqu’à devenir professeur de philosophie à l’université de Fribourg. Homme trapu des terres oubliées, veston taillé traditionnel et petit sourire narquois dessiné sur son visage, ses cours donnés dans ces conditions ne faisaient qu’accentuer le contraste avec le milieu bourgeois néokantiste de l’époque.

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Concernant sa philosophie, simplifions un peu les choses. Heidegger est on ne peut plus de droite. C’est-à-dire qu’il déplore le néopositivisme, la réduction des choses à leur utilité, la perte du sacré, des traditions etc. En un mot, il regrette la façon dont nous avons de nous préoccuper, d’interagir, de relationner, avec ce qui est (les objets, les animaux, les hommes, la nation, Dieu, etc. => les étants). Au travers de cette approche, je pense que la différence entre l’être et l’étant est plus facile à saisir qu’en l’expliquant de manière purement abstraite : retenez que l’étant, c’est la chose qui est, et l’être, c’est la modalité de présence de la chose, à savoir la manière dont la chose se présente à nous (Heidegger s’inscrit dans le mouvement phénoménologique initié par son maître Husserl).

Comprendre l’être des choses, c’est comprendre le milieu dans lequel elle habite, et comprendre, par voie de conséquence, quelle relation saine ou adéquate nous pouvons entretenir avec elles.

L'annonce de l’Événement

La philosophie d'Heidegger n’est pas un existentialisme au nom d’un sujet roi. Tous ces écrits ont pour but de retrouver le sens de l’être, mais non pas uniquement l’être des choses particulières comme vu au-dessus, non, il vise en premier lieu « l’essence de l’être » que j’écris « Être » pour que ça ne surcharge pas plus le texte.

Une autre manière d’approcher une compréhension de l’Être : nous, francophones, nous utilisons la locution « il y a » pour signifier la présence d’une chose. Les Allemands, par une entreprise qui peut s’avérer être un peu plus belle et poétique disent : es gibt (eine Katze), soit littéralement « il donne un chat ». Qui est ce « il » mystérieux qui se manifeste dans la donation des choses et qui, dans le même temps, s’efface comme un artisan empreint de timidité, ne souhaitant, dans le soin qu’il apporte à son acte, faire apparaître que sa création ?

Je clos la boucle. Ces pertes des traditions, du rapport avec la terre, aux hommes, au divin, s’enracinent dans l’oubli de l’Être. L’Être a donc une histoire, un passé, un présent, un futur. Et l'histoire se donne par le futur parce que c'est ce qui advient ; c'est en tant que quelque chose advient qu'un présent se donne qui me permet d'avoir un rapport avec le passé. L'histoire vient par l'a-venir.

On a passé la partie théorique, j’espère n'avoir pas été trop abstrait. Je passe maintenant au livre et s'ensuivra l’analyse du film
:metametaphysicienne:



Le livre sur lequel je m’appuie
( Contributions à la philosophie (De l’Événement) ) n’est pas un livre comme les autres. Non seulement il a été écrit secrètement dans sa petite hutte montagnarde – Heidegger détestait le monde moderne envahi par la technique – à l’abri des regards du III Reich ; mais même après la libération de l’Allemagne par les Alliés, il l’a gardé caché, estimant qu’il était encore trop tôt.

Il n’est pas non plus ici question d’un ouvrage de philosophie classique, sa table des matières est pour le moins étrange…
(un exemple pris au hasard dans la traduction de F. Fédier). Si les qualitatifs de sorcier proféré par ses étudiants peuvent sembler absurdes au premier regard, je pense personnellement que dans un second temps, qu’en termes d'efficience de la pensée – au sens de la pensée pensant contre elle-même, c’est le monsieur le plus radical que j’ai lu. Et l’on peut dire qu’en ce sens, il n’ait pas été tout seul à écrire ce livre. Ce livre a été écrit à partir de l’Événement, avec l’Événement, et en l’Événement.

L'Événement est le point de contact entre les Contributions et L'Œuf de l'ange.

J’écris très mal. J’espère que ça sera quand même lisible, je dois juste laisser les mots respirer le temps que les images puissent se former. Retenez que les mots, c’est la chose importante. Vous mettez les liens que vous voulez entre eux, vous faites les rapprochements qui prennent sens selon votre appréhension de la chose, ça c’est votre travail. Je ne cherche pas à justifier mes assertions, je ne suis pas un zététicien. J’écris un peu de manière bouddhique, si vous ne comprenez pas tout c'est peut-être normal bien que non volontaire de ma part.

il y a 7 mois
Plantons le décor : une ville délabrée dans une ambiance gothique, un ciel rouge sang, une petite fille seule, un jeune homme, seul aussi.
:metaphysicienne:


L'Événement et l'Appel

Note : l’Événement = l’Être

L’histoire commence à se dérouler par l’Événement lui-même qui est le mystérieux orbe noir descendant du ciel. De la façon dont il est représenté, il apparaît comme une figure éminemment divine, de par l’alignement de ses statues sacrées, et de son œil couvrant du regard la terre et le ciel qui l’entoure. L’événement est l’Ereignis, qui vient du verbe er-aügen (faire apparaître qqch par le regard), qui contient lui-même Auge (œil).

L’orbe noir du film, en tant qu’il est œil, et qu’il marque l’avènement (autre traduction possible de l’Ereignis) du déroulement de l’histoire, est l’Être. Par son regard, il fait être les étants, il y a « monde » (es gibt Welt). Mais son œil est mis clos, son regard semble affaibli, malheureux (pour les curieux : voir la définition de la Stimmung sur le topic cité plus haut), la donation de l’être est faible et cela se ressent dans la tonalité, l’ambiance, de ce monde post-apocalyptique.

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En préparant son atterissage, l’orbe dévoile sa face sombre : la technique. Le moyen d'asservissement des étants par excellence, symbolisé par les sifflements stridents des soupapes de sécurité qui retentissent jusqu’à des kilomètres. Ces sifflements, ou même plutôt, ces hurlements, représentent l'Appel de l'Être, lequel s'exprime par son absence, il parle par ce qu'il n'est pas – non ce n'est pas une contradiction, n'être pas est aussi une manière pour l'Être de dispenser son essence, car l'Être n'est pas un étant et n'est donc pas tributaire des limites propres à l'étant qui est ce qui est.

Une personne entend l'Appel. La fillette, loin de la mer où l'orbe s'est posé, se lève de sa couchette. On y découvre qu'elle protège un œuf, et que tout compte fait, elle n'a pas l'air si jeune que ça. Ses cheveux, en plus d'être blancs, ont l'air cassé, comme s'ils commençaient à tourbichonner ; phénomène qui apparait seulement pour les dames d'un âge avancé.

L'œuf de la fillette

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Une fois l'événement posé, une fois l'événement mis en jeu (cf le damier), la rencontre entre le jeune homme et la fillette peut avoir lieu. Quoique dans un premier temps, elle soit réticente à l'idée de relationner avec lui, peut être dû à ce qu'il descendait d'un engin technique, elle va au fur et à mesure lui accorder sa confiance. Tout leur rapport est articulé auteur de l'œuf dont la fillette s'est faite mère.

La figure de l'homme tient d'un guerrier et d'un vagabond. Il porte une croix, ses mains sont enveloppées de bandelettes, laissant y voir quelque passage du Christ. Mais ce personnage, plus âgé que la fille, dénote d'un regard las et désabusé. L'homme délaissé par Dieu ? Non, il porte toujours sa croix, et est en mesure d'aider son prochain. Ce qui l'a abandonné, c'est L'Être, le sens dont était pourvues ses actions qui le tenaient en lien avec Dieu. Devant la candeur de la petite fille, il ne peut qu'exprimer sa rationalité au sujet de l'œuf qui n'est pour lui qu'une vaine illusion.

Les marins, l'Arche de Noé et l'oubli de l'Être

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Encastrés dans ce qu’il leur reste d’habitat, ils n’y sortent que pour chasser des ombres sous formes de gros poissons. Nous comprenons dès lors, peut-être pas la cause directe, mais du moins ce qui a participé à la ruine de la ville : les marins incapables d’accepter la réalité du monde, l’éclipsement de l’être, s’attache aux traditions, à leur essence qu’il juge immuable, détruisant la ville avec leur harpon.

Rappel du passage de la Genèse

Le discours de l’homme sur l’arche se trouve différent par un détail : alors que dans le second lancé de la colombe elle revient avec un rameau d’olivier ; dans le film elle ne revient pas, laissant les hommes sans signe de Dieu. Au début, ils l’attendirent. Puis, ils se lassèrent, pour finir par oublier qu’il ait une fois attendu la colombe. La condition des marins s’explique par ce passage. L’eau pour une raison ou une autre n’a jamais baissé. Nous sommes toujours sur l’Arche, et j’irais même jusqu’à dire que les poissons flottant sur le sol ou sur les murs n’en reflétaient que la réalité et que ce sont les hommes qui sont de pures ombres.

Dans le passage de la grotte, le vagabond rumine sur ses souvenirs s’ils ne seraient pas le produit d’un rêve. Questionnement qui n’affectera jamais la fillette.

L'œuf de la fillette et son éclosion

On arrive presque au moment fatidique.

Ce qui fait que la fillette est supérieure à l’homme se trouve dans la foi qui n’est en rien dépourvue de rationalité. On sait l’eau comme moyen de subsistance pour elle ; les seules fois où se dessine un sourire sur son visage, c’est quand elle y a rapport. Cette forme de nature a été rejetée par l’homme au début du film lorsque la fillette lui tendait un de ses flacons, trahissant la perte de la foi du vagabond.

On devine au travers des questions du personnage à la croix qu’il ne pense l’œuf qu'enfermé dans un être substantiel et non un être compris dans son acceptation verbale. La protectrice de l’œuf ne le protège pas en tant que tel, elle a compris intuitivement la fondation du présent par le futur ; qu’il y ait un oiseau en germes ou rien n’est pas une information importante, la seule chose qui importe, c’est la croyance au potentiel futur par laquelle elle s’échappera de ce monde presque éteint.

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J'écris d’une traite : l’homme veut faire voir la réalité. Car lui, il a le savoir. Au moment où la fille s’est endormie, il pénètre l’œuf avec sa croix pour le briser, et par extension, viole la virginité de la fille, qui se trouve après s’être réveillée à terre, tenant entre les mains la coquille qu’elle a tant chéri et qui constituait son identité. Ce serait en effet un viol, si l’œuvre de l’homme n’était cause que de pensées égoïstes. Sa figure délaisse le chrétien, pour en faire apparaître une espérance socratique : Socrate fut guerrier lui aussi, c’était aussi un personnage qui pouvait poser quelques questions , condamné pour corruption de la jeunesse et impiété envers le divin. Intéressant ? Et le point le plus marquant : Socrate, fils de sage-femme, accouchait la vérité des hommes. Poursuivons la métaphore que je trouve évidemment féconde : la fille ne pouvant rester perpétuellement dans la foi de quelque chose de faux, l’homme fait une césarienne pour accoucher la vérité (qui pour lui est qu'il n'y a rien dans l œuf). Nous devrions nous insurger, nous , croyants , que la foi même fausse réside dans l'espoir. Ce serait sous-estimé la bienveillance de la vérité ! La vérité a besoin de juste quelque intention bonne pour en dévoiler sa nature englobante. Sur ce jeu qu’est leur monde, elle profite, d’un acte généreux qui soit souffrant pour l'homme, en vue de féconder spirituellement la fillette. Galvanisée par la souffrance, réalisant l'effondrement de tout ce qu'elle était par ce à quoi elle tenait, elle se précipite au bord l'Abîme et saute dedans. Une fois retournée à l’eau, elle se transforme, mûri en femme, et fait éclore au travers de son dernier souffle une myriade d’éclosions d’œufs spirituels – elle relâche littéralement le spiritus.

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Le salut par la déréliction

En brisant l’œuf, l’homme a actualisé la foi de l’endormie. L’ambiance du monde n’était plus proche à une joie mystique à laquelle elle penchait peut-être encore. Revenant sous les traits d’un chrétien, il remet en jeu la foi, afin de voir à quel point celle-ci en tenait à ‘identité, à la finalité de toutes actions. Et ça a marché. Par le tournant, la foi se fonde l’Être de manière apophatique, le nie dans le déchirement de sa souffrance, préférant l’extinction de la vie, car le non-être est plus proche de ce qu'elle est. Reconnaissant par ce geste la vacuité du monde, l’ange devenue sainte, calant l’espoir sur ses genoux et entre ses petites mains, trône sur l’Événement s’envolant vers d’autres futurs. Laissant le guerrier sur terre seul, avec le mystérieux gros œuf prêt à éclore.

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il y a 7 mois
Pinguage des copains / habitués / potentiellement intéressés : @Sisyphe @ElBouclador @Sainte @Pangolin

et puis je rajoute @Annabeau , si tu es bien trapdéprimée, je crois me souvenir qu’en fonction de ce que j’ai lu de toi et la manière dont tu portais ta tristesse, ce thème pourrait peut-être te parler
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il y a 7 mois
j'ai pas encore lu mais up c'est un de mes films préférés je vais lire ça en rentrant + trop bien que tu reprennes les topics
il y a 7 mois
Sainte
Sainte
7 mois
j'ai pas encore lu mais up c'est un de mes films préférés je vais lire ça en rentrant + trop bien que tu reprennes les topics
Merci, n'hésite pas à donner ta propre interprétation
:Kj_Lunette:
il y a 7 mois
Ça semble intéressant mais trop long pour le forumeur moyen
:Chatglace:
Blog et discord catholique/actu/prophéties : https://tribulatioprophetica.wordpress.com/ - https://discord.gg/XYrAfrk689
il y a 7 mois
Boreale
Boreale
7 mois
Ça semble intéressant mais trop long pour le forumeur moyen
:Chatglace:
La lecture du topic se fait en 3-4 minutes maximum. Après avoir visionné un film d'1h10 ça me semble raisonnable
:lunettes-3d:
il y a 7 mois
:LG-GPALU:

Je lis
:heizelit:

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il y a 7 mois
C'est pour ce genre de topic que j'aime les forums !
il y a 7 mois
Freya
Freya
7 mois
Bonjour
:water:


En ce lendemain de Noël je me permets de vous faire parvenir ma modeste contribution d’une initiation à Heidegger sous quelques auspices chrétiennes. Cette initiation concerne en particulier les écrits d'Heidegger publiés à titre posthume que l’on nomme généralement « ésotérique » en vertu de leur caractère hermétique. J’ai pour but, un peu naïf certes, de vous transmettre l’admiration que j’éprouve pour cette pensée, ou plutôt cette invitation à penser, qui trop souvent se restreint dans le carcan universitaire avec des termes tous plus inhabituels les uns que les autres comme : estre, aître, fondamentation, qui bien que précis et riche dans leur teneur étymologique, il en reste que leur traduction appauvrisse le sens du langage parlé dont ils sont revêtus originellement en allemand.

C’est la raison pour laquelle je propose ici une habitation de la pensée sous la demeure nipponne, qui nous a gratifié du film de la contemplation par excellence – l’Œuf de l’ange. Le film y traite des sujets comme le nihilisme, la foi ou encore le salut. Donc si ce genre de sujet vous intéresse, je vous somme de prévoir un moment dans votre journée pour le regarder (il ne dure qu'une heure et quelques minutes). Disponible gratuitement ici :
Vous devez être au niveau 0 pour voir ce message.


J’ai tenté de retenir certaines critiques qui m’ont été faites lors de mon précédent topic (onche.org https://onche.org/topic/4[...]3596/pave-divin-et-poesie) en inscrivant les concepts abstraits dans une réalité concrète produite par l’imagination. De sorte que même si vous ne comprenez pas tout, vous puissiez tisser plus aisément des liens entre ce que j’aurais oublié de dire ou que j’aurais mal dit.

Pourquoi ce film ?

Parce qu’il est question des thèmes énoncés plus haut et qu'ils s’inscrivent dans une tonalité, une certaine harmonie du monde dont Heidegger à déjà mainte fois parler lors de ses cours des années 30, c'est-à-dire un monde en ruines abandonné par la divinité, où le nihilisme règne dans une des ambiances les plus lugubres et malsaines. Atout majeur : la voie de la déréliction de la foi est transmise comme une porte au salut, qui s’incarne dans la figure touchante de la fillette. La condition atteinte la plus basse existentiellement parlant serait susceptible d’ouvrir d’autres portes dont les joies ou les extases classiques de mystiques en seraient incapables.

Préambule

Heidegger, issue d’une famille rurale du bas de l’Allemagne, restera toute sa vie attaché à ses origines, à la terre de ses ancêtres ainsi qu'au Danube qui prend sa source non loin de chez lui. Après avoir suivi des études de théologie fructueuses, il monta l’échelle sociale jusqu’à devenir professeur de philosophie à l’université de Fribourg. Homme trapu des terres oubliées, veston taillé traditionnel et petit sourire narquois dessiné sur son visage, ses cours donnés dans ces conditions ne faisaient qu’accentuer le contraste avec le milieu bourgeois néokantiste de l’époque.

Image

Concernant sa philosophie, simplifions un peu les choses. Heidegger est on ne peut plus de droite. C’est-à-dire qu’il déplore le néopositivisme, la réduction des choses à leur utilité, la perte du sacré, des traditions etc. En un mot, il regrette la façon dont nous avons de nous préoccuper, d’interagir, de relationner, avec ce qui est (les objets, les animaux, les hommes, la nation, Dieu, etc. => les étants). Au travers de cette approche, je pense que la différence entre l’être et l’étant est plus facile à saisir qu’en l’expliquant de manière purement abstraite : retenez que l’étant, c’est la chose qui est, et l’être, c’est la modalité de présence de la chose, à savoir la manière dont la chose se présente à nous (Heidegger s’inscrit dans le mouvement phénoménologique initié par son maître Husserl).

Comprendre l’être des choses, c’est comprendre le milieu dans lequel elle habite, et comprendre, par voie de conséquence, quelle relation saine ou adéquate nous pouvons entretenir avec elles.

L'annonce de l’Événement

La philosophie d'Heidegger n’est pas un existentialisme au nom d’un sujet roi. Tous ces écrits ont pour but de retrouver le sens de l’être, mais non pas uniquement l’être des choses particulières comme vu au-dessus, non, il vise en premier lieu « l’essence de l’être » que j’écris « Être » pour que ça ne surcharge pas plus le texte.

Une autre manière d’approcher une compréhension de l’Être : nous, francophones, nous utilisons la locution « il y a » pour signifier la présence d’une chose. Les Allemands, par une entreprise qui peut s’avérer être un peu plus belle et poétique disent : es gibt (eine Katze), soit littéralement « il donne un chat ». Qui est ce « il » mystérieux qui se manifeste dans la donation des choses et qui, dans le même temps, s’efface comme un artisan empreint de timidité, ne souhaitant, dans le soin qu’il apporte à son acte, faire apparaître que sa création ?

Je clos la boucle. Ces pertes des traditions, du rapport avec la terre, aux hommes, au divin, s’enracinent dans l’oubli de l’Être. L’Être a donc une histoire, un passé, un présent, un futur. Et l'histoire se donne par le futur parce que c'est ce qui advient ; c'est en tant que quelque chose advient qu'un présent se donne qui me permet d'avoir un rapport avec le passé. L'histoire vient par l'a-venir.

On a passé la partie théorique, j’espère n'avoir pas été trop abstrait. Je passe maintenant au livre et s'ensuivra l’analyse du film
:metametaphysicienne:



Le livre sur lequel je m’appuie
( Contributions à la philosophie (De l’Événement) ) n’est pas un livre comme les autres. Non seulement il a été écrit secrètement dans sa petite hutte montagnarde – Heidegger détestait le monde moderne envahi par la technique – à l’abri des regards du III Reich ; mais même après la libération de l’Allemagne par les Alliés, il l’a gardé caché, estimant qu’il était encore trop tôt.

Il n’est pas non plus ici question d’un ouvrage de philosophie classique, sa table des matières est pour le moins étrange…
(un exemple pris au hasard dans la traduction de F. Fédier). Si les qualitatifs de sorcier proféré par ses étudiants peuvent sembler absurdes au premier regard, je pense personnellement que dans un second temps, qu’en termes d'efficience de la pensée – au sens de la pensée pensant contre elle-même, c’est le monsieur le plus radical que j’ai lu. Et l’on peut dire qu’en ce sens, il n’ait pas été tout seul à écrire ce livre. Ce livre a été écrit à partir de l’Événement, avec l’Événement, et en l’Événement.

L'Événement est le point de contact entre les Contributions et L'Œuf de l'ange.

J’écris très mal. J’espère que ça sera quand même lisible, je dois juste laisser les mots respirer le temps que les images puissent se former. Retenez que les mots, c’est la chose importante. Vous mettez les liens que vous voulez entre eux, vous faites les rapprochements qui prennent sens selon votre appréhension de la chose, ça c’est votre travail. Je ne cherche pas à justifier mes assertions, je ne suis pas un zététicien. J’écris un peu de manière bouddhique, si vous ne comprenez pas tout c'est peut-être normal bien que non volontaire de ma part.

Content de te revoir
:Chat_pikachu:

Je ne suis pas très cinéphile mais même si j'avoue ne pas avoir tout compris tu m'as donné envie de voir le film
:metametaphysicienne:
Image
il y a 7 mois
Ah mais tu spoil le film? Du coup je regarde pas ton topic non,?
Viens tester la beta de onchepagnon, le jeu du forum: https://onche.org/topic/887825/beta-onchepagnon
il y a 7 mois
Ah mais tu spoil le film? Du coup je regarde pas ton topic non,?
Ça n'enlève rien au film à mon avis
:metametaphysicienne:
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il y a 7 mois
J'ai pas lu j'ai jamais aimé heimerdinger avec ses tourelles de merde
:nanaok:
A gagné la greve mais toujours aussi déprimé
il y a 7 mois
Ah mais tu spoil le film? Du coup je regarde pas ton topic non,?
Oui regarde le avant. Si tu as un petit niveau en anglais tu peux le voir ici
Vous devez être au niveau 0 pour voir ce message.
il y a 7 mois
Content de te revoir
:Chat_pikachu:

Je ne suis pas très cinéphile mais même si j'avoue ne pas avoir tout compris tu m'as donné envie de voir le film
:metametaphysicienne:
C'est normal que tu n'aies pas compris grand-chose, je ne tends pas du tout à l'exhaustivité dans mon analyse. Regarde le tu le comprendras bien mieux
:tristesse_:
il y a 7 mois
Freya
Freya
7 mois
C'est normal que tu n'aies pas compris grand-chose, je ne tends pas du tout à l'exhaustivité dans mon analyse. Regarde le tu le comprendras bien mieux
:tristesse_:
Je vais trouver le temps pour
:metametaphysicienne:

Ça m'a fait penser que j'ai ton autre topic à lire depuis des semaines également
:water:
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il y a 7 mois
je ne suis toujours pas très sensible aux weltanschauungen allemandes mais j'aime bien ton topic. je trouve que le thème de l'authenticité et de la perception de l'être (même si je n'accorde pas à Heidegger qu'il ait été aussi systématiquement confondu que ça avec l'étant) sont vraiment prodigues. ailleurs que chez Heidegger on le trouve dans Baudrillard (approche sociologique/sémantique) et assez profondément dans la Nouvelle Théologie (de Lubac, Hans von Balthasar surtout), qui hérite un peu de la phénoménologie et du gelstatisme.

le topic est très succint et très synthétique aussi je sais que tu as dû faire des compromis, mais je n'ai pas compris au début pourquoi la vision antipositiviste de Heidegger en ferait quelqu'un de droite. des gens comme Barrès ou Maurras qui sont comtiens seraient communément appelés de droite. je pense qu'il faudrait abandonner cette distinction vide et dispensable de la droite et de la gauche.

pour le film, j'aime beaucoup ton interprétation même si elle colle sans doute de trop près à Heidegger. il me paraît évident que la foi et la perte de la foi sont des thèmes centraux de l'oeuvre, et le symbole de l'oeuf est superbement utilisé, l'oeuf dont on ne connait pas le contenu, mais qui est le lieu de la fécondité (peut-être illusoire), oeuf qui porte l'espérance, oeuf dans le germe duquel il faut croire. il me semble que le problème de la possibilité que l'oeuf soit vide est résolument moderne, parce pour que l'oeuf puisse être vide, il faut que l'évidence ou la nécessité de sa plénitude n'apparaisse plus, et c'est bien quelque chose d'impensable pour un homme antique ou pour un chrétien médiéval. j'ai du mal à comprendre le malaise de la fillette, mais je le trouve profondément touchant. les figures du désespoir sont touchantes.

dans le film, tous les personnages vivent dans un monde usé, dans un monde ruiné, dans un monde désespéré. les hommes y sont obsédés, et la fillette est déjà la seule à conserver et à chérir un œuf, elle porte seule le poids du renouvellement de tout l'univers (par l'eau, l'eau déluge, l'eau baptême, l'eau source). j'ai l'impression que son échec est annoncé dès le début par l'usure de ses traits, et par la suite dans la scène des fioles d'eau sur l'escalier, qui semble avertir de la vanité de l'attente de l'éclosion de l'oeuf. tout semble condamné dès le début à la morosité et à la disparition du sel de la vie. j'ai l'impression que la mort de l'espérance doit donner naissance à une transsubstantiation du monde ou bien à une déréliction mortifère, la fin me semble ouverte.

voilà des réflexions au hasard
:water:
il y a 7 mois
Freya
Freya
7 mois
Oui regarde le avant. Si tu as un petit niveau en anglais tu peux le voir ici
Vous devez être au niveau 0 pour voir ce message.
Ca vaut le coup de lire le manga?
Viens tester la beta de onchepagnon, le jeu du forum: https://onche.org/topic/887825/beta-onchepagnon
il y a 7 mois
Sainte
Sainte
7 mois
je ne suis toujours pas très sensible aux weltanschauungen allemandes mais j'aime bien ton topic. je trouve que le thème de l'authenticité et de la perception de l'être (même si je n'accorde pas à Heidegger qu'il ait été aussi systématiquement confondu que ça avec l'étant) sont vraiment prodigues. ailleurs que chez Heidegger on le trouve dans Baudrillard (approche sociologique/sémantique) et assez profondément dans la Nouvelle Théologie (de Lubac, Hans von Balthasar surtout), qui hérite un peu de la phénoménologie et du gelstatisme.

le topic est très succint et très synthétique aussi je sais que tu as dû faire des compromis, mais je n'ai pas compris au début pourquoi la vision antipositiviste de Heidegger en ferait quelqu'un de droite. des gens comme Barrès ou Maurras qui sont comtiens seraient communément appelés de droite. je pense qu'il faudrait abandonner cette distinction vide et dispensable de la droite et de la gauche.

pour le film, j'aime beaucoup ton interprétation même si elle colle sans doute de trop près à Heidegger. il me paraît évident que la foi et la perte de la foi sont des thèmes centraux de l'oeuvre, et le symbole de l'oeuf est superbement utilisé, l'oeuf dont on ne connait pas le contenu, mais qui est le lieu de la fécondité (peut-être illusoire), oeuf qui porte l'espérance, oeuf dans le germe duquel il faut croire. il me semble que le problème de la possibilité que l'oeuf soit vide est résolument moderne, parce pour que l'oeuf puisse être vide, il faut que l'évidence ou la nécessité de sa plénitude n'apparaisse plus, et c'est bien quelque chose d'impensable pour un homme antique ou pour un chrétien médiéval. j'ai du mal à comprendre le malaise de la fillette, mais je le trouve profondément touchant. les figures du désespoir sont touchantes.

dans le film, tous les personnages vivent dans un monde usé, dans un monde ruiné, dans un monde désespéré. les hommes y sont obsédés, et la fillette est déjà la seule à conserver et à chérir un œuf, elle porte seule le poids du renouvellement de tout l'univers (par l'eau, l'eau déluge, l'eau baptême, l'eau source). j'ai l'impression que son échec est annoncé dès le début par l'usure de ses traits, et par la suite dans la scène des fioles d'eau sur l'escalier, qui semble avertir de la vanité de l'attente de l'éclosion de l'oeuf. tout semble condamné dès le début à la morosité et à la disparition du sel de la vie. j'ai l'impression que la mort de l'espérance doit donner naissance à une transsubstantiation du monde ou bien à une déréliction mortifère, la fin me semble ouverte.

voilà des réflexions au hasard
:water:
La nécessité ou non de maintenir le conflit gauche/droite à l’aune des années 30 est un piège de cuistre dans lequel je ne tomberai pas
:oeuf_brise:


Concernant tes réflexions sur le film, elles se prolongent avec les miennes, mais je trouve aussi que tu ne prends pas trop de risques. J’aimerais bien t’entendre sur la fin : lorsque la fille fut sanctifiée, et que l’œil regagna le ciel, que se passera-t-il pour ce monde ? Et à propos de l’oiseau que l'on peut voir au début de film, gisant dans son gros œuf translucide et tremblotant de la paupière sur fond de nuages noirs, quel avenir présente-t-il pour toi ?
:metaphysicienne:
il y a 7 mois
Ca vaut le coup de lire le manga?
J'en sais rien, c'est secondaire en tout cas
:Kj_Lunette:
il y a 7 mois