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Que s’est-il réellement passé le 27 octobre 2005 à Clichy-sous-Bois pour que deux jeunes, Bouna Traoré, 15 ans, et Zyed Benna, 17 ans, meurent électrocutés dans un transformateur EDF à l’issue d’une course-poursuite avec la police ? Le soir même démarraient trois semaines d’émeutes. Le 9 novembre 2005, la France était déclarée en « état d’urgence » sur le territoire métropolitain. Vingt ans plus tard, les visages de ces deux adolescents sont devenus le symbole fort de la crise de quartiers paupérisés et d’un malaise profond de la jeunesse. Cette affaire complexe se déroule sur un temps long, les policiers mis en cause n’ayant été jugés qu’en 2015, comme le rappelle un remarquable triptyque documentaire raconté par Abd al Malik, qui explore faits établis comme zones d’ombre. Entretien avec sa réalisatrice Marie-Pierre Jaury.

Comment ce projet d’enquête est-il né ?
L’idée, au départ, vient du producteur Luc Martin-Gousset (L’Aventure Alzheimer, Mes 15 ans dans ma chambre) avec qui je travaille depuis longtemps. Il avait la forte envie de raconter dans un documentaire cette journée du 27 octobre 2005 et l’histoire de Zyed et Bouna, et avait déjà contacté la journaliste Gwenael Bourdon, coautrice en 2015 d’un livre sur eux (1). Elle avait couvert le drame jusqu’au procès. Pour moi, il était vital — un adjectif bizarre quand on parle de deux morts — de réaliser ce projet. Comme un appel… J’avais vraiment envie de connaître l’histoire de ces jeunes, d’approfondir, d’enquêter. Besoin aussi de transmettre à mes enfants cette histoire et une forme de conscience politique autour des discriminations. Dans la forme, il était clair qu’il fallait un récit long, tous les éléments (le fait divers, les émeutes, le procès dix ans plus tard, la relaxe des policiers…) étant réunis pour adopter une écriture sérielle.

C’est pour rétablir la vérité que les familles Traoré et Benna ont voulu s’exprimer.

Quelles ont été les premières étapes pour appréhender cette affaire ?
Je me suis plongée dans le dossier d’instruction que nous ont donné les avocats des familles (Emmanuel Tordjman et Jean-Pierre Mignard). C’est une mine d’or, avec tous les procès-verbaux, des premières auditions aux dernières. J’ai passé trois jours et trois nuits à lire ce dossier, réécouté l’audio de la course-poursuite du 27 octobre [l’enregistrement des échanges entre policiers poursuivant Zyed et Bouna, ndlr]. Le hasard a fait qu’on a démarré ce film en juin 2023, au moment de la mort de Nahel Merzouk, tué par le tir d’un policier lors d’un contrôle routier à Nanterre. Des émeutes ont éclaté, moins longues et très différentes de celles de 2005. Mais les noms de Zyed et Bouna, symboles des violences policières, sont ressortis.
« Plein de gens pensent qu’ils étaient des voyous, surpris en plein cambriolage sur ce fameux chantier. Or l’enquête prouvera qu’aucune dégradation n’a été constatée sur place. »

« Plein de gens pensent qu’ils étaient des voyous, surpris en plein cambriolage sur ce fameux chantier. Or l’enquête prouvera qu’aucune dégradation n’a été constatée sur place. »

Comment ces deux adolescents se sont-ils retrouvés dans un transformateur EDF ?
Ce 27 octobre 2005, jeudi de vacances de la Toussaint, des jeunes de Clichy-sous-Bois venaient de jouer au foot. Un banal match entre copains. Puis un tir en l’air envoie la balle dans un chantier de logements en construction, ils y entrent pour récupérer leur ballon. S’ensuit l’appel d’un témoin à la police pour alerter de leur présence, puis l’envoi d’une patrouille de la BAC, et une course-poursuite pédestre… Réfugiés dans ce lieu très dangereux, Zyed et Bouna sont retrouvés morts électrocutés. Notre série reconstitue ces moments et la quadruple mécanique (policière, judiciaire, médiatique, politique) qui se met en route dès le lendemain du drame et des premières émeutes : ce premier mensonge dit par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur (« Ces jeunes n’étaient pas poursuivis par la police »), repris par Dominique de Villepin, Premier ministre. Trois jours après, en pleine prière du ramadan, une bombe lacrymogène est lancée à la porte de la mosquée Bilal, qui se retrouve envahie de fumée. C’est la panique. Nicolas Sarkozy va beaucoup prendre la parole, réclamant une logique « tolérance zéro » : un marchepied pour son élection en 2007.

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Dans l’onde de choc qui ébranle la France s’installe une contre-vérité : Zyed et Bouna sont présentés comme des délinquants.
C’est pour rétablir la vérité que les familles Traoré et Benna — et en particulier Aïssatou, l’une des sœurs de Bouna, et Sonia, la belle-sœur de Zyed, peu entendues — ont voulu s’exprimer : Zyed et Bouna n’étaient en rien des délinquants, contrairement à cette image encore dans la mémoire collective ; plein de gens pensent qu’ils étaient des voyous, surpris en plein cambriolage sur ce fameux chantier. C’est ce mensonge qui a provoqué la colère et la première nuit d’émeutes dans les banlieues. Or l’enquête prouvera qu’aucune dégradation n’a été constatée sur place.

Les policiers ont-ils pris la parole dans votre série ?
Dans l’affaire, au total, ils étaient treize. On en a sollicité quelques-uns. À l’exception d’un policier membre d’un syndicat, ils ont surtout parlé par la voix de leurs avocats. Pourtant, c’est une de leurs phrases qui va tout faire basculer. Dans un enregistrement audio, l’un d’eux dit : « S’ils [les adolescents, ndlr] entrent sur le site, je ne donne pas cher de leur peau. » La police des polices (l’IGPN) ouvre une enquête. François Molins, procureur de la République de Bobigny, nomme un juge d’instruction pour lancer une enquête impartiale et transparente. Il va demander à réentendre tous les policiers concernés, notamment celui qui a lancé cette fameuse phrase. Les familles portent plainte. Pourtant, en 2015, le tribunal ne retiendra pas les charges de non-assistance à personne en danger : les deux policiers poursuivis seront relaxés.
Chaque 27 octobre (ici en 2024), les habitants de Clichy-sous-Bois organisent un tournoi de foot en leur mémoire.

Chaque 27 octobre (ici en 2024), les habitants de Clichy-sous-Bois organisent un tournoi de foot en leur mémoire. Photo FTV_ZED

Vingt ans plus tard, où en est-on ?
Au moment des émeutes, tout le monde a regardé Clichy-sous-Bois comme un laboratoire, essayant de comprendre ce malaise des banlieues. Il y a eu des initiatives (l’Institut des vocations pour l’emploi à Clichy-sous-Bois, présidé par Brigitte Macron, les Ateliers Médicis…), des investissements, comme on le rappelle dans la série. Malgré des rénovations urbaines — réhabilitation de logements, tramway en circulation, ligne de métro qui devrait arriver en 2026 —, on se rend compte que rien n’a changé. La population est toujours aussi pauvre, voire encore plus. Autre constat malheureux et triste : il y a encore des jeunes qui meurent face à des policiers. Sur le terrain, collectifs associatifs et familles ne lâchent rien. Dans différentes affaires, ils essayent, face à la police, d’obtenir des preuves et des condamnations, un peu en vain. Chaque année, le 27 octobre, les habitants de Clichy-sous-Bois organisent un tournoi de foot en commémoration de la mort de Zyed et Bouna : l’occasion de réunir différents clubs de banlieue, avec des jeunes et des moins jeunes.
il y a 9 heures
la dhimmi ultime bordel quel torchon
:risitas_ahi:
il y a 9 heures
Jamais entendue celle-là je crois
:LevySuspicieux:

Mais je savais bien que les voix me disaient quelque chose
:LevyRire2:
Vous devez être au niveau 15 pour voir ce message.
:lagaf:
#JeSuisLagaf #LiberezLagaf
:lagaf:
il y a 9 heures